jeudi 26 novembre 2009

Quotations 3.


Il ne faut pas laisser choir notre conception de chair. Nous sommes composés de cellules qui réagissent au monde extérieur. Nous sommes de véritables amas de billes de polystyrène qui réagissent au moindre changement de rythme. Je veux dire par là que chaque expérience quotidienne, qu’elle soit heureuse ou douloureuse, est emmagasinée par notre réceptacle corporel et que si nous les dénigrons dans notre réflexion de vie, alors nous mourrons à coup sûr d’un cancer. (K. BOUACHICHE).

La faute identitaire majeure provient d’une scission profonde entre « ce que je suis » et « ce que les autres perçoivent de moi ». (K. BOUACHICHE).

Il est vrai qu’il est dangereux de prôner une vision et une réflexion omniscio-mondiales mais s’extraire complètement de celle-ci pour se fondre dans un papier peint communautaire vieillot et jauni est une façon de revendiquer l’asphyxie de l’homme. Dans l’idéal, le groupe hétérogène est la meilleure façon de préserver la conscience du monde tout en conservant son arbitre. (K. BOUACHICHE).

Il est nécessaire, dans un premier temps, de se figer dans un mutisme absolu, d’observer avec attention toutes les sources d’une information, et enfin d’ouvrir la bouche pour en extirper l’essence juste. (K. BOUACHICHE).

Qui n’a pas voulu se suicider étant jeune n’a pas vécu et finira probablement par se donner la mort étant plus âgé. C’est que l’âme humaine est moins encline à se poser des questions au fur et à mesure que le corps se froisse de vieillesse. La raison en est simple : l’âme supporte de moins en moins d’habiter dans une maison qui se délabre et, ce faisant, mourir de vieillesse revient à faire le constat d’une ruine inhabitable. (K. DEVEUREUX).

L’expansion des sciences n’est pas autre chose qu’une tentative difficile d’apposer notre liberté sur l’espace déterminé de la nature. (K. DEVEUREUX).

Il n’y a pas réellement de différence entre ce que l’on dit et ce que l’on pense dans la mesure où ce que l’on pense finit par se révéler par rapport à ce que l’on n’a pas toujours voulu dire. (K. DEVEUREUX).

Le couple, en tant que deux organes solidaires, fabrique un tiers-organe qui dévore ses organes respectifs, si bien que le couple ne communique plus selon la liberté de l’arbitre mais selon l’accent communautaire qu’il imagine détenir en tant que couple. (K. DEVEUREUX).

En fin de compte, pour qu’une parole délivrée du communautarisme soit possible, il est nécessaire en premier lieu de se délivrer de la communauté du soi et du petit soi (couple, groupes de fanatiques, comités d’entreprise etc.). (K. DEVEUREUX).

Les villages, naturellement porteurs de traditions et de passéisme, sont des cancers généralisés qui regroupent en un cadastre minimal des zombies à peine capables de pacifisme entre eux. Parce qu’ils savent qui pratique ou qui rejette la fellation, ils se sentent instruits d’un message d’envergure. (K. DEVEUREUX).

La matriarchie est subventionnée par l'intime. « C'est parce que je suis ta mère que je décide de ce qui est bien pour toi », « je te connais mieux que personne, c'est moi qui t'ai mis au monde », comme si, finalement, la souffrance de l'accouchement devenait gage suprême de la matriarchie. (K. BOUACHICHE).

Je conçois l’enfant comme un prolongement clitoridien de la mère. Celle-ci en use et abuse pour son plaisir privé. (K. BOUACHICHE).

La mamma italienne, généreuse de religiosité dans son éducation, construit un maternalisme fascisant qui pousse les fils à une délinquance accrue. (K. BOUACHICHE).

L’éducation maternelle est une castration idéologique. Si l’enfant est orphelin, c’est souvent l’école qui prend le relais. (K. BOUACHICHE).

L'homosexualité est pour moi une nouvelle forme de féminisme dans le sens où il faut revendiquer son identité propre. (K. BOUACHICHE).

La communauté familiale, et à plus forte raison celle du couple, est par conséquent véritablement une forme de cancérologie pandémique. (K. BOUACHICHE).

Il est donc nécessaire de prodiguer au plus tôt une ablation du concept famille. (K. BOUACHICHE) – Le professeur Deveureux a proposé ultérieurement le concept de défamiliarisation.

Ne devraient être intimes que les actions dont nous savons qu’elles n’apporteront pas de nouveauté sur le monde (rapports sexuels, discussions frivoles, disputes d’amoureux). (K. DEVEUREUX).

Celui qui commence par dire « Je sais que j’ai raison » est celui qui ne possède pas les aptitudes à la vie socio-discursive. (K. DEVEUREUX).

Voyez que la psychanalyse est une science dépassée. Il m’a toujours semblé que l’assassinat symbolique du père ne faisait que colporter les infections sous-jacentes de la féminisation des esprits. Le mieux serait d’assassiner le père et la mère et, si possible, les grands-parents. (K. DEVEUREUX).

De nos jours, l'homme se doit d'exister. L'existence est le drame de toute vie humaine. Je ne parle pas de la vie en tant que telle, je parle de ce que l'homme a développé au fil du temps, à savoir un profil socio-médiatique. Une sorte de « Moi » parallèle qui existe par la masse médiatique et pour les masses. Une intimité partagée qui légitime les actions les plus avilissantes. (K. BOUACHICHE).

L’intimité exposée tombe dans le droit commun : telle une chanson, elle tournera en boucle, figée dans une temporalité et un espace bien définis, qui empêchera tour retour possible dans une sphère plus privée. L’intime exposé est donc consommable. (K. BOUACHICHE).

Que se passe-t-il quand nous sommes les témoins d’intimités que nous ignorions jusqu'alors ? Systématiquement, nous appliquons à l’inconnu un schéma de reconnaissance. Ce schéma enfante la notion d'intime partagé, régie par un capital numérique de perception positive. Ce capital est proportionnel au degré de conformité entre le dit et le fait, entre le savoir être et le savoir faire. Ce capital n'est absolument pas dépendant d'un système binaire d'actions positives et d'actions négatives. Je gagne des points en laissant ma place dans le bus seulement si je mets en avant ce caractère de politesse sur mon profil social internet. La complexité de ce système réside vraiment dans la coïncidence entre ma personnalité solitaire et ma personnalité de réseau social. Le seul intérêt de mon existence demeure dans le nombre élevé de mes amis sur Facebook. (K. BOUACHICHE).

Les toilettes, souvent pièce plus étroite que les autres, est le seul espace où nous lâchons ces masques sociaux pour retrouver une intimité véritable. On le constate souvent dans les toilettes publiques où l'on retrouve toutes sortes de messages scatologiques qui ne sont en réalité que le soulagement profond de la pression sociale. (K. BOUACHICHE).

L’usager de Facebook existe selon des regards intransitifs, ce qui implique une absence logique de réciprocité. Ainsi le pseudonyme devient un patronyme et l’identité se façonne en morcellements ontologiques qui ont un effet buvard sur le réel. Ce qui manque alors à ces amputés de l’authentique, c’est moins une vie qu’une déclaration d’irrédentisme où le Moi pourrait légitimement se faire reconduire à la frontière du privé. (K. DEVEUREUX).

Les toilettes, aussi bien privées que publiques, font office de ces cagibis cachés que j’affectionne. Où le corps n’est pas soumis à l’illusion des grands espaces, l’esprit se récupère et se concentre sur ce qui est potentiellement faisable à peu de distance. (K. DEVEUREUX).

La vertu de savoir se rendre invisible est à mon avis complémentaire de celle qui connaît les secrets du silence. Plusieurs constats se détachent de ce double rapport entre l’image et le son, qualités associées essentiellement à la notion de spectaculaire (concerts, pyrotechnies, mise en scène d’une exposition picturale etc.). En conséquence de quoi, on accordera aux toilettes publiques la possibilité de créer un espace à part en plein épicentre de l’agora. (K. DEVEUREUX).

Le pet est un phénomène biologique plurivoque et paradoxal. Les couples s’indignent assez peu de leurs pets respectifs et encore moins de leur propension à multiplier ces acousmates particuliers. Ce partage débordant est quelquefois le critère des couples qui ont atteint une intimité maladive les faisant considérer comme amusant quelque chose qu’ils trouveraient irréductiblement répugnant à l’extérieur de leur intimité privilégiée. (K. DEVEUREUX).

Lorsque j'ai réalisé une enquête sociologique sur les mœurs et le pouvoir en Belgique, beaucoup de prostituées m'ont confirmé que le degré de déviance sexuelle par la soumission et l'humiliation était proportionnel au poste à responsabilités que les clients de ces courtisanes occupaient. En d'autres termes, les plus grands avocats liégeois aimaient à se sentir dominés. (K. BOUACHICHE).

Les actionnistes viennois, groupuscule d'artistes autrichiens, ont tenté de se libérer du carcan académique de l'art par l'exhibition outrancière d'actes réservés à l'intime et au non-dit. Actes tournant autour de la scatologie, scarification et autres sévices corporels. Ma préférence allant vers cet artiste qui, lors d'une performance, s'est abandonné à un acte de masturbation sur l'hymne national autrichien. L'intime devient donc une arme que l'on emploie pour se libérer de l'insoutenable légèreté de notre être. Ce courant artistique fut extrêmement novateur et contesté à son époque. Beaucoup de ses membres ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Je m'interroge alors : Facebook serait-il de ce point de vue une façon de revendiquer l'inutilité des vies qui y sont exposées ? Je vous répondrai que oui. (K. BOUACHICHE).

Nous sommes bien en présence d'une hypocrisie des plus glamours : « Je suis parfait, ma vie est parfaite, et pourtant la semaine dernière j'ai eu une diarrhée qui a retapissé mon intérieur sanitaire ». Notre conscience du monde qui nous entoure est dénaturée par l'intime social. (K. BOUACHICHE).

La surexposition des sites communautaires revendique en creux une constipation nécessaire qui ne fait pas état des intimités non conformes. (K. BOUACHICHE).

Il existe une tectonique des comportements sociaux dont l’épicentre correspond à l’intime. (K. BOUACHICHE).

Il est des tempêtes qui remuent les esprits superstitieux comme il est des océans calmes qui font patienter les hommes d’action. (K. DEVEUREUX).

Métaphoriquement, l’obésité vulgaire des sociétés occidentales nous contraint de passer notre chemin quand les artères sont bouchées par plusieurs dépôts inexpugnables. Facebook est en ce sens une lésion artérielle. (K. DEVEUREUX).

La redistribution de l’intimité agencée par l’intermédiaire des réseaux sociaux est une distribution des nouvelles figures anonymes qui confessent leur inaptitude à entreprendre quelque chose de profitable à la société des hommes. (K. DEVEUREUX).

Il est rassurant d’être réduit à des frivolités parce que l’éthique de la futilité est une délivrance de l’éthique de la responsabilité. (K. DEVEUREUX).

Quelqu’un est occupé en vérité lorsque la porte des toilettes publiques affiche la mention « OCCUPÉ ». (K. DEVEUREUX).

Je me réjouis des drames familiaux qui éclatent sous les yeux attristés des hypocrites de l’intime. Quand un fils prend le fusil de chasse du père et qu’il massacre sa famille comme on ferait tomber les quilles, il rappelle aux « inauthentiques » que quelques hommes n’aiment pas avoir deux têtes, être coupés en quatre ou je ne sais quoi encore. Certains choisissent l’école pour perpétrer les massacres. D’autres encore se juchent en hauteur et assassinent les passants de la société humaine. L’opinion publique les désigne comme monstruosités et la justice ratifie ce bilan en stipulant des nécessités qui arrangent l’opinion. Les jeux vidéo, les films violents, la pornographie, deviennent des alliés de poids. On trouve des pièces à conviction ontologiquement artefactuelles pour justifier d’un phénomène factuel. (K. DEVEUREUX) – quelques jours plus tard, un adolescent corse massacrait sa famille dans le village d’Albitreccia.

Si Socrate a voulu offrir un coq à Esculape, je crois que Merleau-Ponty a posé un lapin à Descartes. (K. DEVEUREUX).

Définies comme de vieilles femmes proches de la ménopause, nos chances d'engendrer le futur génie de la pensée s'amenuisent pour bientôt disparaître dans les abîmes du savoir vite consommé et vite expulsé. (K. BOUACHICHE).

Exclure est, pour mon cerveau malade, la forme de violence la plus dangereuse de nos collectivités humaines. Il s'agit bien là de rendre les hommes asociaux et assoiffés de revanche sur un système qui a provoqué leurs pertes. Toute forme d'écartement provoquée par une mécanique sociétaire inclut intrinsèquement chez le sujet écarté le mutisme de son intimité propre. Et nous l’avons exploré : l’intime doit aujourd’hui s’exprimer. (K. BOUACHICHE).

Nous devons avoir à l’esprit qu’un délit n’est pas l’œuvre d’un seul homme mais aussi celle de la mécanique cassante d’une société utilitariste où l’homme devient un produit. Ce simple constat pose déjà une profonde interrogation : une vie humaine peut-elle se soustraire aux mains d'une administration perspicace dans l'anéantissement de l'identité de réflexion ? (K. BOUACHICHE).

Les boutiques qui dispensent les lignes de vêtements à l’effigie de Harvard m’ont paru ridicules, quoique les étudiants qui les achètent le sont davantage. L’oblitération du savoir ne se fait plus par voie cognitive, elle se fait par la sponsorisation, par la combustion des ressources intellectuelles en vue de fabriquer des tissus pour l’hiver. (K. DEVEUREUX).

L’isolement est préconisé par la société comme moyen de stratifier les individus mais aussi comme moyen sous-jacent de contrôler ce que la société n’est pas encore prête à comprendre. L’argument est moins éthique que monstrueux dans la mesure où la négligence des actions d’isoler contribue à la précarisation des actions autant que de ceux qui en sont les patients. Les stratégies employées ont un moteur économique qui tend à préférer la sauvegarde des entités économiques plutôt que celle des entités véritablement humaines. (K. DEVEUREUX).

Plus la routine est présente en nos vies, plus il est facile d’en enfreindre le fonctionnement. (K. DEVEUREUX).

J’entends par l’image de l’homme brutal en amour toute une critique de l’acte mécanique et je ne veux réceptionner de cette attitude que la notion physique d’expulsion franche. (K. DEVEUREUX).

Disney a légitimé la propagande d’une sexualité christianisée où la spontanéité de la découverte d’autrui passe par l’intermédiaire d’un prisme psychologique à partir duquel des médecins de l’âme sont supposés enseigner un catéchisme sexuel parce que l’adolescent est désorienté par ces lamentables représentations de la morale. Ce catéchisme n’est rien moins que l’effet dévastateur de ces dessins animés où engendrement et génération s’effectuent au milieu d’un monde suprasensible que le spectateur ne peut pas voir. Il manque alors la présence d’un serpent armé des redoutables arguments de la vie terrestre, l’animal même qui aurait corrompu la sagesse d’Adam et Ève ! Par conséquent ce n’est pas un hasard si le serpent apparaît chez Disney à l’instar de l’être fondamentalement méchant, infréquentable et profondément sophistique. (K. DEVEUREUX).

Yann Moix écrivain ? Jacques Lacan aurait pu dire de lui que c’est un écrit-rien. (K. DEVEUREUX).

L’absence de postérité est comparable à la succion d’un bonbon : celle-ci engendre une profonde frustration car nous avons le plaisir du goût mais pas la sensation de satiété. (K. BOUACHICHE).

Les parloirs d'une prison constituent un organisme géographique complexe où les conventions de l'intime n'ont pas lieu d'être. Et pourtant, au rythme des rendez-vous, la famille appréhende l'espace avec son identité comparative. Elle cherche à appliquer au lieu une forme de reconnaissance, elle transcrit l'intimité du foyer sur les murs de ce nouvel endroit peu propice au partage du « laisser-aller comportemental ». Je parle de l'intime comme « laisser-aller comportemental » dans le sens où les masques ne peuvent tomber sans la contingence d'un lieu propice à la connaissance particulière. À force de fréquentation de cet espace, celui-ci nous apparaît commun, se rendant ainsi perméable aux débordements sociaux. (K. BOUACHICHE).

Le phénomène urbain des graffitis exprime donc le besoin d'un individu de s'emparer d'un espace et de contrôler celui-ci par une marque indélébile. En complément, il n'est pas étonnant que durant les émeutes de quartiers en France, les jeunes s'en prennent aux voitures de leurs propres voisins. Notre intimité de lieu conditionne une partie de nos comportements en communauté. Nous ne sommes finalement que des animaux soumis aux influences positives et négatives de la cage dans laquelle nous évoluons. Ce qui semble intéressant dans le phénomène des parloirs d'une prison, c’est que l'intime se retrouve clôturé par un espace-temps. Alors quelle est la meilleure des attitudes à avoir ? Dois-je exprimer toute mon intériorité personnelle ? Dois-je garder un masque social ? Et si oui, lequel serait le plus adapté ? Dois-je être dans la retenue ou dans l'excès ? (K. BOUACHICHE).

Celui qui se suicide en sautant par la fenêtre choisit de s’aplatir avec majesté. Les témoins sont horrifiés parce qu’ils ne comprennent pas la nécessité de bousculer la viscosité environnementale. On le voit parfaitement en observant les actions consécutives à ce type de suicide : des procédés sont acheminés sur les lieux en un temps record pour nettoyer l’outrage à l’habitude. Il ne s’agit pas de sauver une âme, d’ériger un mémorial altruiste, non, il s’agit de ratisser les reliefs d’un acte incompris afin de retrouver la platitude primitive de l’accoutumance. (K. DEVEUREUX).

L’inadaptation n’est pas une cause a posteriori du suicide, elle est au contraire la révélation que la vie quotidienne ne concerne que l’accoutumance. (K. DEVEUREUX).

Au milieu des zombies, nous essayons en vain de braconner des intelligences. (K. DEVEUREUX).