dimanche 22 mars 2009

Trajectoires bovines.


Mon cher Pacha Bouachiche,

Vous connaissez l’affection que je retire du terme pacha, elle n’est qu’un témoignage du sentiment que je vous porte, et pas du tout cette réminiscence historique d’une époque où les hommes se prélassaient dans le pouvoir en attendant que Bagdad se construise une dignité. Comme vous le disiez fort justement pour la sociologie, la sentimentalité ou l’humanisation ne valent que pour la politesse échangée entre bons amis. Du reste, toute disposition aux menteries obséquieuses ne font que saper le propos véritablement scientifique que recherche aussi bien le sociologue que le philosophe. Mon métier consiste en un inventaire des pensées proverbiales, le vôtre en une clarification des postures subordonnées à un tiers concret ou transcendant. Mais notre objectif se croise autour de la même intention primitive : combattre la croyance à mains nues afin de territorialiser un savoir de consistance.
Sensible aux interrogations universitaires, j’ai été retourné par votre démonstration comparative. La restauration rapide est aux estomacs ce que l’Université est aux gens qui la fréquentent. On est en présence d’une double thématique où entrée/sortie se succèdent et finissent par ne plus réclamer d’ordre préétabli. Aussi, il n’est pas rare de déjà souffrir de diarrhée avant de se rendre au fast-food. Et parallèlement, l’Université n’apparaît plus comme un endroit où la sortie triomphante est une nécessité. La plupart des étudiants en ressortent les pieds devants car leurs estomacs n’ont pas été assez préparés aux nouveaux plats du jour. C’est que la différence de gastronomie est bien trop importante entre l’Université et les lycées, de même que nous pouvons le conclure de la séparation théorique entre lycées et collèges. La question de l’école primaire ne se pose pas dans la mesure où le repas le plus important correspond à l’heure du goûter, elle-même révélatrice d’un savoir primaire où le jeune enfant ne fait que goûter des échantillons de savoir dispensés par un maître de cérémonie qui a la double spécificité d’être maître et esclave. La gastronomie des savoirs est en ce sens régressive, comparable à une peau de chagrin : on commence par savourer l’aspect régional des collèges (la petitesse des établissements aidant), et graduellement on se dirige vers la nationalisation des savoirs en intégrant les lycées qui distinguent deux types de bétail :
- Le bétail de culture intensive destiné à rejoindre l’agriculture de masse caractérisée par l’Université.
- Le bétail promis au salon de l’agriculture, spécialement entraîné pour rejoindre des classes préparatoires qui s’efforcent de dissimuler l’utilisation d’OGM.

Ainsi vont les époques historiques, irréversiblement mutagènes. De notre temps, on accusait les Universités d’être enjuivées, et désormais nous avons des Universités engraissées, mugissantes et probablement vagissantes.
Saisissons alors le kairos d’expliciter le malaise des réformes de l’enseignement français dans le sillage de nos métaphores agricoles. Que veut faire le ministre ? Il aimerait domestiquer le bétail un peu plus longtemps pour éviter que celui-ci ne perde ses repères une fois sa prise en charge achevée. En revanche, le ministre oublie qu’il espère cette domestication en modifiant radicalement la nourriture des Universités. Le bétail étant un substantif des bêtes de somme, on ne peut légitimement en attendre une capacité d’adaptation et en ce sens je suis solidaire du bétail. D’autant que le ministère souhaite faire des économies de foin tout en continuant d’injecter des matières premières dans les élevages supérieurs. Et à terme, le résultat de ce remaniement ministériel doit permettre d’effectuer des transactions de bovins sans passer par la spéculation des visites médicales. Autrement dit, le bétail ayant achevé son élevage, il est fin prêt pour intégrer un abattoir sans passer par l’étape d’une cellule intermédiaire supposée fournir de la valeur ajoutée aux bestiaux. L’ultime question reviendrait à évaluer le coefficient de douleur et de mise à mort dans les différents abattoirs, ce qui bien évidemment fluctue selon les endroits. On rapporte que les abattoirs du nord recensent des animaux dépressifs et qui de ce fait meurent parfois avant d’être exécutés. Quant aux abattoirs méridionaux, on les dit appliquer un despotisme doux, bref une sorte d’euthanasie.
Quelle solution avancer devant une telle quantité de difficultés ? Je crois que nous devrions libéraliser l’élevage, ce qui veut dire que nous devrions laisser le bétail circuler. Croyez bien que je suis attristé de voir des étudiantes aux comportements de vache. Ces comportements se sont tellement généralisés qu’il n’y a plus aucune raison de spécifier ces vaches : limousines, normandes, savoyardes, elles se ressemblent et se rassemblent autour d’une commune médiocrité. Quant aux étudiants, ce sont des veaux qui se prennent pour des taureaux et qui s’évertuent à me proposer du bullshit. Mais sans doute est-ce l’oppression des méthodologies disciplinaires qui pousse le bétail à vouloir plus qu’il ne peut. En ce sens, le bétail est plein de ce qu’il ne faudrait pas et vide de ce qui lui serait le plus nécessaire. Ainsi n’a-t-il que la nourriture qu’il mérite. Je ne peux pas contacter un traiteur alors qu’un grossiste me fait des offres imbattables. Et sur ce point il ne faut pas faire de confusion : le bétail de Paris est identique au bétail de Toulouse, pas question d’approfondir les menus.
Par conséquent votre solution d’agriculture biologique implique une sélection naturelle, le biologique n’étant pas de l’ergologique. En outre, nous devons réfléchir à ce que cette sélection naturelle ne s’apparente pas aux critères discutables des grandes pensées nationalistes. Il faut donc penser un bétail à la fois esthétiquement pensable et industriellement consommable. En définitive, travaillons à calibrer le bétail pour mieux lui faire intégrer une nature qui pour le moment lui est ingrate.

Avec mon attention,

K. Deveureux

samedi 21 mars 2009

Big Mac universitaire.


Mon cher K,

Je vous retrouve bien là, dans votre positionnement de philosophe menant une véritable croisade contre les chemins pernicieux de la religion. Votre proposition de rangement de la croyance en Dieu dans le placard poussiéreux de l'Histoire me laisse sans voix. Je suis toujours empli d'admiration lorsque je vous lis et vos courriers sont toujours aussi merveilleux. Je voulais vous témoigner toute mon affection en préambule de ce courrier car l'affection est futile et qu'il faut s'en débarrasser au plus vite. Futile car elle n'est que la preuve d'un amateurisme de la sociologie. L'humanisation des faits de société rend le travail du sociologue trouble et biaisé. Je vous l'accorde, la compassion est nécessaire mais pas dans ce métier. Nous sommes les regards du monde, nous transcrivons les rouages de la société, tandis que vous, philosophes, vous dénoncez les abîmes de la pensée, vous déjouez les facultés primaires du raisonnement pour donner de l'ampleur à votre réflexion du monde.

Mon cher ami K, je parle d'amitié car récemment j'ai eu l'honneur de retrouver un collègue assujetti et perverti par la peste universitaire. Vous savez, cette maladie contagieuse qui pousse les étudiants à pré-recracher leurs travaux dénués de sens. Bref ce camarade me recontacte pour évoquer de bons souvenirs (les mémoires sont toujours meilleures avec vingt années de recul) et me proposer une entrevue au prétexte du bon vieux temps. J'avoue avoir hésité l'espace d'une seconde quant à la possibilité de revoir cette tête blême et figée par des siècles de préceptes éducatifs prêts à l'emploi. Cet homme représente à mes yeux le McDonald de la science universitaire avec des menus, pardon U.V, pas chères, faciles à emporter, et prêtes à être mangées mais qui vous donnent toujours de fortes diarrhées peu de temps après les avoir consommées.
Les étudiants en sont conscients et pourtant ils se retrouvent dans cette surenchère de la consomazione. On les rend dépendants. Autant les chaînes de télévision privées se doivent de rendre les cerveaux disponibles pour un Coca-Cola, autant les universités doivent rendre l'estomac de ses étudiants digestif pour un savoir sans saveur. L'estomac est donc disponible. Mais vous me direz, cher ami, que le système est conçu pour promouvoir cette flexibilité digestive. On a la mission de perpétrer les mêmes meurtres de la connaissance en occultant la possibilité d'un savoir différent. Ce collègue et moi-même avons eu quelques contentieux et pas des moindres. Nos conceptions de l'enseignement divergent, mais par solidarité universitaire, nous sommes contraints de collaborer pour un essor des sciences humaines. Alors je m'interroge : la médiocrité peut-elle être un gage d'essor ? Doit-on gaver les étudiants comme on fait du foie gras ? Doit-on se résoudre à faire de l'université un fast-food de la connaissance ? Eh bien moi, quitte à paraître comme conservateur et vieux jeu, je m'y refuse. L'université est l'antre du développement des cultures. On plante des graines, on place le tout dans une serre, et on attend. La patience est mère de toutes les vertus. L'engrais n'est pas nécessaire, la terre doit être travaillée régulièrement ; on se doit d'utiliser le sécateur quand les branches se dirigent vers la mauvaise direction, et on récoltera ainsi de beaux fruits mûrs, goûteux et savoureux, sans l'ombre d'un aspect superficiel. L'université se doit comme objectif principal d’adopter la culture biologique...

Cordialement,

K.B

jeudi 12 mars 2009

Archivage de la religiosité.


Camarade Bouachiche,

Au lieu de penser crédulement que Dieu a déposé en nous la marque de sa main savante, vous faites l’étalage de ce que j’appellerais la raison de la pensée sceptique. Non pas que votre scepticisme soit trop fort pour espérer atteindre une solution convenable, mais il est totalement justifié par les seules observations qui nous sont données, à savoir ici l’exemple pitoyable de cette petite fille écartée de sa communauté brésilienne en raison de quelques dislocations idéologiques fondées sur des fanatismes grossiers. Nous devons supposer que les chefs d’accusation qui catégorisent cette enfant relèvent d’une autorité complètement juridique si nous voulons interpréter correctement ce geste. Le problème étant que l’excommunication ne fait pas partie des notions juridiques attestées, si bien que le tribunal mis en place a tout d’un Jugement Dernier, lequel a sournoisement conclu qu’une enfant de neuf ans s’était rendue coupable d’une hérésie dont elle n’est a priori pas capable de reconnaître la nature hérétique. C'est-à-dire qu’une institution s’est programmée avec suffisamment d’omnipotence pour faire des actes d’une enfant autant de particularismes infâmes, en l’occurrence des particularismes qui ne s’inscrivent pas dans un rapport d’harmonie avec la raison universelle qui gouverne là-bas. De cette situation absurde et théâtrale, je retire deux questions : Si la logique religieuse est respectée jusqu’au bout, comment se fait-il qu’un jury ait pu subitement décider du sort d’une jeune fille dans la mesure où le monde ne dépend que d’une volonté divine à même de prendre ou de donner la vie et, partant, à même d’infliger une peine symbolique ou d’épargner la punition d’un péché véniel ? En conséquence de quoi, comment des créatures de Dieu ont pu prétendre lire dans les pensées du grand Maître attendu que les voies du Seigneur, essentiellement parlant, passent pour être d’une impénétrabilité légendaire ?
Parce que Dieu est l’occasion d’un immense problème d’interprétation, quelques hommes malintentionnés se croient autorisés à le chosifier en fonction de leurs volontés mauvaises. Ce sont des gens que la vie religieuse ne satisfait pas dans la pratique humble d’une recherche de la foi. Longtemps nous avons recensé des prêtres qui partaient au désert, des bonnes sœurs qui se cloisonnaient derrière les murs d’une basilique, des Pères de l’Eglise qui se livraient à des gloses spécifiques mettant à l’épreuve des sujets d’une redoutable difficulté, bâtissant de ce fait les racines de la patrologie chrétienne. Ce monde de dissimulation et de discrétion un peu malsaine n’existe plus et de nos jours le curé se masturbe à la vue de la moindre évocation phallique. Mais la pratique onaniste n’est pas une réforme dogmatique qui aurait surgi de nulle part, elle a constamment été l’apanage des vies de réclusion idéelle. A force de concéder un asservissement spirituel, la nature humaine a castré l’ensemble de la nature corporelle, faisant de celle-ci l’occasion de constater des comportements plus ou moins de connivence avec l’idée d’un cerveau programmé pour penser Dieu.
A la suite de quoi, des compétitions d’envergure ont commencé à jalonner l’intérieur silencieux de tous les édifices religieux. On promettait le bonheur à qui aurait la faculté de montrer toujours plus de soumission à Dieu. On faisait de sa chair le charbon des grandes cheminées célestes afin de se prémunir de toute nature désirante. On a paradoxalement banni l’amour de soi en se persuadant de la sorte de mieux aimer autrui. Et voilà le résultat admirable après des siècles d’histoire : on renvoie une enfant en bas âge de sa communauté parce qu’elle ne correspond pas au sacro-saint critère. C’est dire la fragilité de cette pensée si l’on suppose la raison d’une jeune enfant assez forte pour faire péricliter deux mille ans de raison canonisée.
A vrai dire la religion a engendré des créatures qu’elle ne maîtrise plus. Les animaux de l’arche de Noé préfèreraient aujourd’hui périr de noyade plutôt que d’être sauvés par un pseudo héros féru d’artisanat (je pense en particulier aux animaux aquatiques ; quant aux amphibies, ils auraient dans ces conditions choisi la fluidité de l’eau plutôt que la rigidité du paradis terrestre). Je souscris par conséquent à vos conclusions sans objecter la moindre argumentation contrariante. L’homme n’est définitivement pas l’image de Dieu, auquel cas il ne perdrait pas de temps à traquer les animaux que jadis il s’est plu à libérer d’une mort certaine. Dieu est à l’inverse recouvert du voile brumeux de la raison humaine. Pires sont ceux qui se mettent soudainement à croire en Dieu afin de justifier leur errance du moment. Cette errance peut être de toutes sortes, comme par exemple l’égarement d’un tribunal qui se dit compétent en linguistique théologique, ou encore le jeune adulte paumé qui se réfugie dans des textes dont il ne comprend presque rien tout en y fondant l’espoir d’y trouver presque toutes les solutions à ses faux problèmes. A l’image des consciences, Dieu est d’une malléabilité qui ne va décidément pas avec la nature de ses attributs : Un, indivisible, omniscient, tout-puissant, infiniment sage etc. Dieu est devenu la caution des faibles ou l’argument des manipulateurs. Si je suis faible, j’en appelle à la sagesse de Dieu pour me guérir de mes inconséquences – ce qui du même coup m’évite d’avoir à faire un effort de compréhension du monde dans lequel j’use la substance de mon ennui. Et si je suis un manipulateur, je comprends très vite que les décrets du Ciel peuvent être d’une force considérable si je parviens à les appliquer sur Terre. C’est donc la porte ouverte à la confusion de tous les genres.
Qu’ai-je alors à proposer en tant que philosophe ? Je voudrais que la religion devienne purement et simplement un objet d’histoire. La décadence des pensées ne peut plus espérer imiter l’attitude des anciens Pères de l’Eglise. Ceux-ci se déchargeaient en secret mais ils avaient la dignité de ne pas répandre leurs fantasmes. De nos jours trop de remuements encerclent les espaces religieux, on ne peut donc plus se concentrer. Et puis je trouve que cette idée de s’isoler alors que la population terrestre ne cesse de croître est une idée au minimum obsolète. Par conséquent l’historicisation de l’Eglise aidera à la vaccination de cette trisomie protocolaire.

Miraculeusement à vous,

K. Deveureux.

Trisomie religieuse.


Mon tendre ami véritable,

Je veux dire véritable dans le concept même de vérité, non pas comme une notion de véracité amicale, plutôt comme une personne ancrée dans un savoir juste. Je m'interroge donc sur la vérité fondée des actes religieux et parler des extrémistes ne serait que fortuit. Je veux évoquer le handicap social de la religion. Etre fervent dans une société cosmopolite n'est-ce pas, en soi, la constitution d'un handicap sévère ?
Dans un tout premier temps restons simples. Les préceptes religieux font preuve de véritables stigmates de l'inaptitude sociale. Comment pourrais-je m'intégrer dans un système sociétal en m'infligeant toutes sortes de rituels grossiers ? Cela est impossible. Endosser une croyance religieuse, n'est-ce pas là le meilleur moyen de s'exclure des autres ? En montrant sa foi, on perd inévitablement la capacité d'ouverture à l'autre. En effet, si j'entreprends un chemin vers mon voisin avec les oeillères de la croyance, je ne pourrai que vouloir le recruter à ma cause. Et même si je m'en défends ardemment, n'est-il pas dit qu'un être qui ne se soumet pas à la divinité suprême est un pécheur condamné à vivre dans les limbes ? Pourtant le charity business de Dieu consiste bien au sauvetage des âmes en perdition. Comment pouvons-nous accepter pareille hypocrisie ? Je m'interroge...
Que je sois soumis aux dogmes des cultures, je l'entends. Mais qu'on prêche pour cette paroisse ordurière et déconfite, je ne peux m'y résoudre. Je vais rebondir, cher collègue, sur ce fait d'actualité concernant l'excommunication d'une jeune fille de 9 ans au Brésil. Quoi penser de cette haute autorité qui, sous couvert de servir un être supérieur, agit au même titre que cet être pour décider du futur spirituel et social des individus ? N'y a-t-il pas ici une confusion des genres ? Comment puis-je m'en remettre à Dieu puisque j'ai la prétention suprême d'agir pour lui, et je dirais même plus au même rang que lui en justifiant mes actes impurs par les interprétations séculaires d'un manuscrit ? Ne peut-on pas y voir une sorte de malédiction (« mal édicter ») qui donne au prêchant une sorte de handicap social ? Puis, quoi qu'il fasse, il sera toujours inscrit dans une forme de vérité biblique absolue. Néanmoins le facteur important que ces hommes fervents et fanatiques ignorent, c'est la capacité des jeunes générations montantes à ingérer rapidement des quantités astronomiques d'informations afin de n’en digérer que l'essentiel. Le discours fascisant ne prend plus, à moins d'être souillé par cet environnement dès le plus jeune âge, c'est le cas avec les écoles coraniques de certains pays où l’on pousse les enfants dans le sens d’une mastication de la pensée sans en mesurer le contenu, créant ainsi des fanatiques prêts à se sacrifier pour une cause. Il n'y a pas de doute possible : pour moi la religion est un handicap mental et moteur lourd pour notre société humaine. Et si nous écoutions ces dogmes monolithiques nous entendrions ceci : le SIDA est la maladie du vice régie par Satan et ses apôtres ; le mariage est la clef de voûte de l'accomplissement personnel ; les enfants sont le gage d'une réussite au bonheur.
Et vous vous en doutez mon cher camarade, et je choisis le terme de camarade car la lutte est longue encore, je m'insurge face à ce fléau et je ne dirai que ceci pour conclure : lorsque le verre est à moitié plein, il est ô combien facile de voir le vide, mais suivant l'endroit où je me place pour le regarder, je le vois davantage vide ou davantage plein. Les frontières se brouillent et rien n'est aussi séparatiste qu’un raisonnement religieux.

KB

mardi 10 mars 2009

Quotations 1.


Bien des femmes se plaisent à revendiquer la pratique des grands auteurs littéraires, très peu sont celles qui joignent à cette pratique une activité qui les immunise de toute condescendance.

K. Deveureux.


Le concept de bonheur est totalement obsolète, il n'a jamais été véritable.

K. Bouachiche.


L'homme est un enfant perpétuel qui se construit l'illusion d'une existence dépourvue de couches.

K. Deveureux.


Le narcissisme m'apparaît alors comme la seule conception du bonheur à laquelle je pourrais éventuellement croire.

K. Bouachiche.


Le cyclope sera enfin un homme : son oeil coupé en deux deviendra un regard.

K. Deveureux.


J'aime me conduire en géographe de l'amour cherchant à cartographier les plaisirs de son amant.

K. Bouachiche.


Le couple n'est rien qu'un grand corps utopique.

K. Deveureux.


Je suis un homosexuel sur le déclin, avec une propension terrible à la masturbation, plutôt passif, excluant dans sa recherche les femmes, les enfants, les transsexuels, les travesties et les animaux.

K. Bouachiche.


Je déplore grandement les émissions ludiques sur le sexe. Ce n'est qu'une désinfection supplémentaire de l'acte, une vaccination contre la spontanéité.

K. Deveureux.


A mon sens, la sexologie est un dérivatif absolument abscons et stérile. Il est nécessaire d'élargir notre réflexion par des rapports de criminologie qui expliquent parfaitement la corrélation entre la montée de la délinquance et l'individualité exacerbée à laquelle notre société nous pousse. Doit alors advenir une sexualité équitable.

K. Bouachiche.


Toucher son corps, c'est connaître son terrain et c'est du même coup apprendre à déminer les bombes de la frigidité.

K. Deveureux.


J'appelle une vraie féministe une femme qui a une sexualité assumée et non une position sociale élevée et enviable.

K. Bouachiche.


La fonction de dominant et de dominé est inhérente au système "couple" et cela ne fait que rajouter une multitude de combinaisons comme s'il existait un rubicube du bonheur.

K. Bouachiche.


Nos idées sur le bonheur ont été chassées par la vague d'une époque où la relation est essentiellement définie par la notion de combat.

K. Deveureux.


Un muscle tel que le crémaster est profondément didactique. Parce qu'il possède une capacité d'adaptation époustouflante, il n'est jamais en disgrâce avec le binôme testiculaire.

K. Deveureux.


L'orgasme est un bonheur féminin qui tend à se compléter grâce à l'espérance d'une gestation.

K. Deveureux.


Etre parent est une douce illusion du devoir accompli. Je peux enfin mourir puisque mon patrimoine génétique est sauf.

K. Bouachiche.


La famille est pour moi l'antithèse de la joie.

K. Bouachiche.


Le Christ est descendu du ciel en terrain conquis. Fils de Dieu, il savait ce que c'était que d'avoir un projet.

K. Deveureux.


La formation de l'esprit scientifique passe inextricablement par la formation du corps spiritualisé. Il y a de la sorte une posture sanitaire.

K. Deveureux.


Nous faisons face à une véritable camorra des personnes âgées.

K. Bouachiche.


Les enfants ne savent pas ce qu'ils font et les vieux subcrevants ne savent plus ce qu'il faudrait faire.

K. Deveureux.


Les cerveaux endommagés par la vieillesse sont très souvent porteurs d'une revanche sur la vie.

K. Deveureux.


Nous, vieux continent, tentons inexorablement de conserver des reliquats de nos chers disparus.

K. Bouachiche.


Je crois qu'on peut dire "tel enterrement, tel défunt".

K. Bouachiche.


L'interminable voyage est encore plus souhaitable qu'une escale définitive en Ithaque, surtout quand la ville de l'enfance se trouve être souillée par la présence d'une épouse irresponsable et profondément vide.

K. Deveureux.


L'existence est un roman infini ouvert sur des pages volantes.

K. Deveureux.


Et pourtant, j'en ai perdu des amis, morts de toutes sortes de façons, si bien que je pourrais me sustenter d'un catalogue dans lequel je notifierais toutes les souffrances qui les accompagnent comme une sorte d'herbier de la douleur.

K. Bouachiche.


Je déteste la mélancolie, laquelle donne du crédit aux politiques révisionnistes. Je le répète encore, nous devons mourir.

K. Bouachiche.


Adolescents nous ne pensions pas que les nécrologies pouvaient avoir un rapport avec nos manières de vivre.

K. Deveureux.


Si le monde me donne la possibilité d'instrumentaliser mon bonheur, c'est que je peux l'expérimenter à ma guise et ensuite souhaiter le recommencement de ce qui m'a autorisé à fabriquer les artefacts d'un joyeux drille.

K. Deveureux.


La mort est quelquefois une délivrance pour ceux qui souffrent de vivre.

K. Deveureux.


Les amnésiques ne sont-ils pas les personnes les plus chanceuses au monde ? Avoir la chance de se réinventer totalement, n'est-ce pas un cadeau des dieux ?

K. Bouachiche.


Ces "gens" qui gardent des objets souverainistes, tel un in memoriam inébranlable de leur vie sans consistance, traînent le poids du regret et de l'amertume puisqu'ils pensent que tout est définitif.

K. Bouachiche.


Le fait d'avoir fait une guerre n'excuse pas le fait d'être un vétéran abruti.

K. Deveureux.


Nous avons besoin d'assassiner le dualisme rationnel.

K. Deveureux.


Si la vieillesse est un naufrage, je le comprends allègrement par le prisme de la métamorphose du vieux con.

K. Deveureux.


Les deux principaux totems sont la famille et la religion.

K. Bouachiche.


La consommation force tout individu à se lasser d'une personne une fois tout déballé, rongé, usé et rompu.

K. Bouachiche.


Je ne crois pas que ce soit un crime de vouloir rétablir la justesse des opinions en montrant à quelqu'un le degré de son argumentation fallacieuse.

K. Deveureux.


Je trouve particulièrement ironique le fait que l'amitié se réduise à un concept d'enfance.

K. Deveureux.


Il y a en chacun de nous un éboueur qui sommeille.

K. Deveureux.


Je mène une existence votive envers les procédures heuristiques.

K. Deveureux.


Ce qui va pousser notre chérubin dans les voies de l'incapacité à se masturber, c'est le dessin animé parfaitement aseptisé de Disney.

K. Bouachiche.


A cause du bonheur parfait, la naissance d'un être ne peut se concevoir autrement que comme la concrétisation absolue de la vie.

K. Bouachiche.


Si des ségrégations continuent d'exister parmi les modèles fondateurs, c'est qu'elles n'ont d'autre rôle que celui de préserver la hiérarchie des apparences.

K. Deveureux.


L'animal publicitaire se fait excellemment histoire : il est sorti de la fiction de la domesticité pour introduire un type de dialogue où nous avons perdu le sens de la parole.

K. Deveureux.


Le monde est malade d'une peste indicible.

K. Deveureux.


Plus un homme se tord de rire, plus on sait qu'il cache une profonde envie de suicide.

K. Bouachiche.


Le rire fonctionne comme une machine à détendre les tensions du malaise.

K. Deveureux.


Il est indéniable que le regroupement d'individus renonce à la conscience et à l'intelligence du particulier. Je me défausse donc de toute responsabilité sur la mouvance d'un ensemble de gens et, pire encore, j'ai une excuse universelle en cas de problème.

K. Bouachiche.


Il y en a qui râlent comme des benêts car le gouvernement qu'ils ont eux-mêmes élu n'est pas capable de résoudre leurs petites préoccupations individuelles.

K. Bouachiche.


L'étudiant lambda craint pour son avenir moins par le biais d'une réforme hypothétique que par son assiduité aux cours. Sorti des cours, il fait l'aveu de son ignorance.

K. Deveureux.


Chaque être humain est un univers à part entière dont il faut sans cesse favoriser les qualités et les compétences au profit d'un groupe.

K. Bouachiche.


De la complexification du tissu associatif émanent plusieurs corridors labyrinthiques qui nous soumettent à un pastiche mortifère du héros kafkaïen.

K. Deveureux.


Nous n'avons pas encore observé de société à majorité physiocrate, et de là nous pouvons probablement conclure que les esprits de la terre sont trop enterrés pour faire germer dans leurs intelligences un bourgeon de réflexion.

K. Deveureux.


J'exècre les discours emplis de diplomatie larmoyante qui dénaturent toute relation.

K. Bouachiche.


La puissance mystique attire les foules dans les grottes humides de la foi.

K. Deveureux.


Les textes sacrés sont si peu convaincants qu'ils leur faut nécessairement se prolonger dans la pratique de ce qui par définition devrait demeurer perché quelque part au-dessus des nuages.

K. Deveureux.


















dimanche 8 mars 2009

Evviva il papa re !


Cher Khalid Bouachiche,

La pensée unique est une boutique ouverte tous les jours. Sur ses étagères, un déferlement de visages pétrifiés par l’éternité. Contre les murs, des affiches promotionnelles pour ne pas risquer de faire le mauvais choix parmi la ressemblance. On sait d’avance ce que l’on choisira parce que rien n’est à choisir sinon l’assurance de ne pas se tromper. Et bien entendu, tous ceux qui n’entrent pas ici ne méritent pas qu’on leur adresse la parole car rien n’est à comprendre en dehors ce que qu’on a choisi. La puissance mystique attire les foules dans les grottes humides de la foi. Les ouvriers de l’Eglise aménagent l’espace public en bâtissant des propriétés privées où naguère se promenait l’esprit en quête de plein air. Car les textes sacrés sont si peu convaincants qu’il leur faut nécessairement se prolonger dans la pratique de ce qui par définition devrait demeurer perché quelque part au-dessus des nuages. L’ennui délétère des hommes dépourvus d’imagination s’est plu à faire descendre un avatar de Dieu sur la Terre. Et depuis certains l’attendent de nouveau quand d’autres prétendent discuter chaque jour avec lui. Quant à moi, je suis dans l’expectative d’une preuve de l’existence de Dieu qui soit érigée par d’autres cerveaux que ceux des philosophes. Car l’hypocrisie est telle que les philosophes sont jetés au rebut alors que ce sont eux qui ont fait l’effort de proposer une logique à Dieu, ce sont eux qui l’ont libéré de la révélation étrange, laquelle est comparable à une crise d’adolescence.
Sommet du ridicule, Dieu est même devenu l’argument juridique par excellence. La responsabilité, que vous mettiez à mal en démontrant qu’elle était souvent dépénalisée, est d’autant moins respectée qu’elle se trouve parfois absorbée par une surprenante injonction divine. Les tribunaux acquittent aujourd’hui ceux qui ont agi sous l’impulsion divine ! Cela est très étonnant pour les sociétés qui se réclament de la laïcité. Non seulement Dieu n’est pas séparé de l’Etat, mais il est d’autant plus omnipotent qu’il vient d’intégrer les discours judiciaires. Ah décidément les Jésuites sont coriaces !
Ce regroupement autour de Dieu est une façon plus ou moins habile de ne plus se sentir coupable face au manque de créativité. D’ailleurs Dieu est l’auteur de la création continuée, alors ce serait lui faire injure que de vouloir créer en recouvrant son œuvre quotidienne. Christo Javacheff peut s’estimer heureux de n’être pas encore crucifié par une horde sauvage, lui qui recouvre littéralement la création divine d’un tapis artistique. Trop peu sont conscients que le travail de cet artiste est un moyen de réinventer le paysage sans disqualifier le précédent. Il superpose les attributs de la nature en posant la question de la limite : à quel moment peut-on dire que la nature est dénaturée ? Je crois en fait qu’elle ne l’est jamais. En tout cas elle l’est moins que lorsqu’elle se retrouve investie par le désir de gigantisme des fanatiques religieux. Ma connaissance de l’art est limitée au champ de l’esthétique, donc je ne sais pas si Christo a déjà recouvert de son geste un édifice religieux de grande renommée. Mais je voudrais qu’il fasse successivement l’expérience à la basilique Saint-Pierre de Rome, à La Mecque puis à Jérusalem, le tout sans ordre imposé. On verrait donc si nous sommes sortis de cette époque où les objets étaient sacralisés, cette époque où le barbare Mâtho, revêtu du voile de Tanit, pouvait circuler parmi les rues de Carthage car aucun civilisé n’osât l’approcher alors qu’il était en possession de l’objet intouchable par excellence. Cette scène est l’un des moments clés de Salammbô, à la fois un grand moment de littérature et de lucidité intellectuelle.
Ma conclusion est sans appel : il suffit de se faire passer pour croyant et le tour est joué. En déguisant sa pensée d’une argumentation dogmatique, on intègre les groupes fanatisés qui se laissent par conséquent tromper par les apparences. La religion en ce sens est une affaire de visibilité car elle sait intimement être sans succès lorsqu’il s’agit de questionner les âmes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, peut-être, elle s’est toujours condamnée à punir les corps au lieu de considérer les châtiments psychologiques. Que Dieu les pardonne, ils ne savent pas ce qu’ils font.

Dévotement vôtre,

K. Deveureux.

vendredi 6 mars 2009

Pourquoi les supers héros portent-ils des slips ?


Mon très cher ami K,

Que vous dire de plus concernant ces élites coincées à une table VIP entre la porte des cuisines et celle des toilettes d'un grand restaurant ?
Est-ce là de la nourriture vile et dispendieuse ou bien des déchets notables sortant d'arrière-trains d'éléphants trop vieux et trop gras de culture et ne pouvant se mouvoir ? Peu m'importe si on aime ! Le poids des traditions et le politiquement correct l'emportent. J'exècre les discours emplis de diplomatie larmoyante qui dénaturent toute relation. De fait je me demandais quel rôle ont nos élites. J'ai une idée de la réponse mais le simple fait de l'énoncer serait une forme de pur snobisme.
Il existe donc une hiérarchie du savoir, une école supérieure, mais supérieure à quoi ? Et à qui ? Ce relent de colonialisme et de fascisme me rend irritable. Comment peut-on concevoir qu'un savoir donné, mâché, prédigéré depuis des générations, peut se définir comme le savoir absolu ? Existe-t-il un seul savoir ? Pas à ma connaissance. J'opte pour un savoir universel mais pas dans le sens premier. Chaque personne, chaque entité sur cette planète, possède un savoir qui s'inscrit dans le parcours propre de sa vie. Il ne s'agit pas là d'un savoir par expérience, non, je parle d'une véritable science formée et évaluée par la vie de l'humain qui en est le réceptacle. Nous serions donc en face d'une base de données indiquant plus de 60 milliards de formes du savoir. Imaginez un seul instant la prodigieuse puissance engendrée par un simple croisement de ces données. Le système du blog sur internet s'apparente à ce phénomène. Et c'est pourquoi ce savoir du discours aseptisé et policé m'énerve au plus haut des sommets.
Un jour, mon neveu, en sortant du cinéma où nous étions allés voir Superman, me demanda : « Pourquoi les supers héros portent-ils des slips ? ». Cette question me saisit de plein fouet. Comment autant de bon sens pouvait sortir de la bouche d'un enfant de six ans ? Je prétextai une raison d'aéronautique et laissai choir son intention. Mais lors d'une correction de mémoires mielleux et corrompus, je me mis à repenser à cette question. En effet, pourquoi lorsqu'on possède un don ou un savoir extraordinaire on le cache par une entité bien pensante et molletonnée ? Pourquoi diable doit-on cacher sa nature au profit d'une société normée ? Pourquoi devons-nous réfréner nos ardeurs ? Est-ce parce qu'une morale, décidée par des politiques autocentrés et prudes, a été jugée par ses pairs comme convenable ? Il est vrai que ce genre d'idée peut amener une métamorphose anarchique. Mais cette anarchie n'est-elle pas condamnée par ces autorités incompétentes ? N'est-ce pas là une forme de manipulation auto-immune que l'élite propage ? Je m'insurge, une fois n'est pas coutume, contre ces concepts négationnistes qui promulguent la norme au rang de maîtresse universelle. Ne peut-on pas débattre ensemble ? Dialoguer ou simplement partager ? NON, cela n'est pas normé, le sens est unique, les élites sont Dieu, et de Dieu découle le bonheur que nous avons tant décrié tel un vomi des plus infâmes.

Mon très cher K, je suis victime d'une indigestion…

dimanche 1 mars 2009

Erratum de raison : un mot de l'ENS, rue d'Ulm.


Le personnel du département de philosophie de l’ENS rue d’Ulm ainsi que l’ensemble de l’Ecole tiennent à rectifier leur implication dans les propos du professeur Konstantinos Deveureux. Nous dénigrons toute responsabilité vis-à-vis des jugements que M. Deveureux a portés sur la communauté beauceronne, jugements qui ont tout particulièrement attristé les habitants de Montigny-le-Gannelon avec lesquels nous entretenons des rapports cordiaux. Nous collaborons avec cette région depuis maintenant de nombreuses années et nos échanges ont révélé des qualités que M. Deveureux s’est plu à disqualifier. Par ailleurs la teneur de ces propos, dont certains dépassent le seuil tolérable de l’injure, a de loin franchi les grandes largesses de la liberté d’expression. Ainsi, que nos amis beaucerons veuillent bien croire en nos salutations distinguées et en la franchise de nos sentiments les meilleurs.

Droit de réponse du professeur Konstantinos Deveureux :

J’ai bien de la peine à choisir entre les deux parties de cette alternative superficielle : dois-je reconnaître mes erreurs apparemment discutables et me confondre en excuses mielleuses ou dois-je me ranger du côté de l’Ecole en déclarant publiquement que je n’étais pas maître de mon esprit au moment où j’aurais donc rédigé un lapsus calami prolongé ? Car, voyez-vous, ce que je trouve rédhibitoire dans cette affaire, c’est que l’Ecole vienne nous asséner une leçon de morale en trois lignes de politesse maladroite alors que personne à l’ENS n’est un tant soit peu au courant de ce qui séjourne de réalité dans les campagnes beauceronnes. Ils ont signé des accords de principe en faisant semblant de faire croire à tout le monde que la philosophie va rencontrer le peuple. Là-bas, dans cette vague illusion, personne ne rencontre personne, et les professeurs détachés deux heures ne doivent pas essayer de nous faire opiner en leur sens lorsqu’ils affirment pompeusement, au détour d’un journal universitaire pédant, qu’ils ont passé un grand moment de philosophie auprès d’un auditoire qui ignore même qu’une étude comme la philosophie existe en ce bas monde. Je serai moins tranchant quand je verrai que de véritables institutions ont pénétré la terre paysanne, institutions prêtes à transmettre un savoir et non à se congratuler de ces démarches associatives qui ne valent rien sinon l’occasion toujours jouissive de se rappeler qu’en ne faisant rien de substantiel on peut encore faire semblant d’avoir fait.
Certes je confesse que mon écrit n’était pas sympathique envers les personnes incriminées dans ce qui serait le sommet de l’insulte selon les populations assermentées au bon sens, toutefois ces gens si doctes auraient dû se poser la question de savoir si ma tonalité n’était pas quelque peu théâtrale à la seule fin de remuer les consciences. Et qu’on arrête de faire de la fausse complaisance en déclarant que le savoir est une affaire d’égalité. Connaissant parfaitement les rouages de l’Ecole, je puis vous affirmer que l’égalité des chances est éminemment dépendante du degré de chance qu’un individu possède au départ. De même qu’il serait de bon ton d’arrêter de voir en chacun un potentiel d’intelligence harmonieuse. Des imbéciles heureux existent, et ils le resteront éternellement. Donc je demande à l’opinion, puisque nous en sommes réduits à faire des opinions des semences de vérité, de choisir entre les simulacres détestables de l’Ecole et les critiques que je formule après avoir observé l’état de certaines choses. Décidément la France ne brille pas par son discernement en ce moment, et je ne suis pas prêt de rendre un service à l’ENS car bien que celle-ci m’ait discrédité dans cette petite notice ridicule, cela ne l’empêchera de me rappeler dès la semaine prochaine pour savoir si je suis ouvert à l’animation d’un séminaire en vue de préparer des agrégatifs qui ressemblent à des moutons malades. Qu’ils aient donc au moins l’honnêteté d’être francs envers eux-mêmes, cela leur épargnera de perdre du temps à rédiger des mots d’excuse en retranchant la vérité de leurs intentions profondes, soit le fait qu’ils ont besoin de ma présence même si j’ai l’air d’avoir péché et que, en fin de compte, les paysans beaucerons peuvent bien rester chez eux car nous n’en voudrions pas entre les murs de ce prestigieux établissement.

Avec attention,
K. Deveureux, professeur des Universités.