mardi 26 mai 2009

Téléphantiasis.


Mon ami Bouachiche,

Votre courrier recense deux paradoxes qui dérangent : premièrement l’alcoolisme est intolérable du point de vue moral bien qu’il soit présent en tant que vecteur économique statué, secondement la fierté homosexuelle continue de se faire entendre parallèlement à l’accroissement des violences homophobes. Si nous segmentons chacun de ces deux paradoxes, nous identifions deux types d’existence : la première relève de la sphère publique, la seconde de la sphère privée. Qui plus est, sachant que le public est soutenu par une logique de monstration, il va de soi que le privé est de plus en plus recroquevillé sur lui-même. Il y a ce qui se montre d’une part, ce qui se renfrogne d’autre part. La logique de publicité (au sens où nous référons à un public en formation) est nourrie par la télévision tandis que la logique des cagibis intimes est exacerbée par une morale inavouable que l’on pourrait agrémenter avec les pensées de La Rochefoucauld. J’entends par cette dichotomie quasiment platonicienne la chose suivante : la télévision actionne une moralité afin de proposer une morale réellement introuvable. Le média préfère le bon sentiment parce que la vérité du monde est un attentat à la morale fabriquée. Je veux dire dans ces cas précis que toute bonté est mélangée d’un enrobage malfaisant dans la mesure où l’action immaculée n’existe pas. Et je veux justifier ce jeu de forces antagonistes en fondant ma réflexion sur l’acte le plus altruiste en principe : l’acte d’amour, en dépit de sa donation plurielle, est un acte dont la finalité est a priori déterminée par une immanence orgasmique. Dans un couple, si l’un des partenaires ne jouit pas, on pose qu’il y a un problème ententif. Le plaisir de l’un devient alors le désagrément de l’autre, et ce même si l’un avait la volonté de faire jouir quand bien même l’autre ne se préoccupait guère de cette jouissance adverse. C’est pourquoi le couple qui ne jouit ni d’un côté ni de l’autre est un couple moins menacé que celui qui se divise dans la capacité de procéder à l’orgasme rituel. Ce couple qui ne jouit pas, je l’appelle déjouissif. Il n’est pas sauvé pour autant puisqu’il ne sait pas à quoi correspond un orgasme. Dans ce cas particulier, on dira que le couple déjouissif est a priori remué par une certaine idée du plaisir qui s’accorde en soi au fait de jouir. On suppose par conséquent des degrés de plaisir et de déplaisir, voire un orgasme non verbalisé mais ressenti dans la quiddité d’un partenaire. La conclusion générale de cette exemplification de la jouissance est que toute bonne volonté devient méconnaissable si elle n’est pas applaudie par les honneurs. En ce sens, il est impossible de vouloir circuler de l’âme au corps en pensant accorder les deux comme on ajusterait la peau d’un tambour récalcitrant. Confondre un système ontologique avec un système empirique, c’est s’imaginer que la psychologie d’un individu est analogue au fonctionnement d’un crémaster. Un cognitiviste du nom de John Searle a insisté sur le fait que le plus grand fait scientifique est pourtant victime d’une empreinte subjective inéliminable. Nous ne sommes pas ce que nous pensons pour la simple et bonne raison que nous ne parlons pas la même langue que celle de notre pensée, qui est plutôt une langue morcelée.
Ce qui se passe d’anormal, c’est que la télévision remplace la pensée en laissant supposer que les images qu’elle propose sont autant de modèles pour agir (c'est votre thèse et j'y souscris). On pourrait de ce fait réaménager la parole cartésienne de cette façon : « Je regarde la télévision, donc je pense, et si je pense alors je suis prêt à agir ». Pourtant je suis très tracassé à l’idée que le public horriblement télévorace se plaise à saisir des images et des sons pour en faire respectivement des icônes et des maximes. Cette attention est justement ce qui détruit le vrai visage de la vigilance. La philosophie de l’esprit possède une expérience célèbre : dites à un troupeau de personnes de se focaliser sur le ballon lors d’une partie de football, elles ne verront pas le joueur déguisé en gorille faire des pitreries sur le terrain. La télévision est plus subtile bien que moins délicate : elle focalise l’attention alors même que les spectateurs croient qu’ils partagent un repas en famille en toute moralité.
Partant de là, l’Etat est libre de statuer ce qui l’arrange sur les alcools, au même titre que les violences homophobes restent tabous du simple fait qu’elles n’ont pas encore un droit de cité sur nos écrans de télévision. De sorte que montrer la gay pride, c’est accentuer l’homophobie en faisant penser que les homosexuels revendiquent une ontologie comme un seul homme, ce qui est loin d’être le cas. C’est aussi le tort des chiennes de garde qui ne font que laisser supposer que les femmes, outre la concavité de leur sexe, sont effectivement dépourvues d’une propriété que les hommes possèderaient (c’est-à-dire le phallus, et donc la phallocratie). Mais si je reviens au problème de l’homosexualité, je m’aperçois que les images de la gay pride ne sont qu’un remplissage informatif sans réelle volonté didactique, et que par conséquent la véritable violence homophobe devient presque tolérable si j’en juge seulement par les excités que la télévision me montre. Quant à l’alcool, les nombreuses émissions gastronomiques suffiront à préserver la sagesse d’un grand cru, suggérant de ce fait qu’un cadavre imbibé d’un Bordeaux est moins répréhensible qu’un cadavre imbibé de piquette, et ce dans le cadre d’un accident de la route mortel.
Ce faisant, la télévision hiérarchise les goûts et les qualités pendant que les souterrains ontologiques s’empuantissent du vrai mouvement de l’existence. La gay pride est une affaire sociale courante maintenant que l’homosexualité a quitté son rang de para-sexualité. Cependant elle n’est pas assimilée dans les interstices de la société, les fameux souterrains, chose vérifiable lorsque les familles moralisées par la télévision découvrent ou apprennent que l’un des leurs est homosexuel. D’ailleurs, d’un seul point de vue sémantique, la nouveauté d’un homosexuel dans la famille est contemporaine de la disparition du terme « pédé » car aucun parent ne tolèrerait la présence effective d’un pédé chez lui (ceci pose en périphérie la question du statut ontologique du pédé). Si vous dites « Mon enfant est homosexuel », vous avez des chances de correspondre aux discours télévisuels. Ceci ne signifie pas que vous êtes dans le vrai, ceci signifie exclusivement que vous êtes dans le vrai que vos voisins sont prêts à accepter. En outre, l’ontologie massive et sous-jacente est accoutumée du terme « pédé », ce qui fait que le néo-homosexuel ne sera jamais rien d’autre qu’un pédé dans les têtes qui s’imaginent indépendantes de ces glissements sémantiques et qui, par ce biais, se sentent suffisamment compétentes pour associer sans encombrement le contenu inexistant de leur esprit avec la surface de leur corps. C’est dire que le lexique de la télévision est fragile et que la plupart des citoyens ne savent même pas qui ils sont. En effet, s’ils savaient exactement la possibilité de leur esprit et les aptitudes de leur corps, nous n’aurions pas à déplorer ces reliefs sémantiques accidentés et disgracieux. Encore mieux, s’ils étaient vraiment les corps et les esprits qu’ils prétendent être, ils verraient en la télévision une obscénité permanente ainsi qu’une maladie que j’appelle le dualisme rationnel. On aura bien compris que le dualisme rationnel est le propre de ceux qui pensent unifier corps et âme et que, pour réaliser ce lien, ils utilisent une corde qu’on appelle la télévision.

Avec mes respects,

Konstantinos Deveureux.

Dualité capillaire ratée.


Mon cordial ami K,

Je m'interroge toujours sur cette forme technocrate de l'hypocrisie, notamment lorsque j'observe un gouvernement français durcissant ses propres lois contre l'alcool au volant alors que cette même drogue est conventionnée et taxée par l'Etat. Je suis toujours perplexe face à une synergie, double et indivisible, qui tente bien malgré elle d'obtenir une cohérence. Et nous nous trouvons toujours dans ce système capillaire à deux teintes qui cherche obstinément à conquérir une harmonie.
L'objectif secret de notre monde est d'obtenir une fusion de nos idées et de nos actes, c’est-à-dire avoir une image saine, construite et omnisciente. Néanmoins, comme nous l'avons déjà exprimé auparavant, les discours changent et les interfaces avec nos actions deviennent obscures. La tension monte dans nos civilisations. Cette tension naît d'une volonté coriace d'être en accord avec son corps et son esprit. De l'esprit naissent les idées et les dialogues, du corps naissent les actes et les revendications. Il est difficile de faire coïncider nos deux entités et ce d'autant plus que nos organisations humaines augmentent le désir d'irréprochabilité. Nous n'avons plus de droit commun à l'erreur. Nous sommes citoyens et nous nous devons d'être optimum sur tous les plans sociaux.
Inutile de vous dire, mon cher confrère, que cela engendre, une fois encore, une scission psychologique lourde qui conduit nombre de nos compatriotes à la folie et au suicide. On peut mettre en corrélation les chiffres sur l'augmentation constante de pathologies difficiles de type schizophrénie, chiffres qui montrent parfaitement la déstructuration du cerveau humain par la pression sociologique du "human perfect". Notre société se dématérialise par le biais de nouvelles technologies faussant ainsi notre rapport à la nature humaine et à la réalité engendrée. Nous nous perdons dans les couloirs de la superficialité et du savoir-être. La gay pride en est une si parfaite illustration. Être homosexuel se résume à se balader en micro short avec des strass, sur un char à paillettes, entouré de créatures volages, et dans un même temps l'homophobie gagne du terrain. Ne voyons-nous pas là les symptômes d'un monde pestiféré et putride en parfaite inéquation ?
Ils est donc nécessaire de se pencher sur nos inter-faciès de genre humain. La violence des hommes apparaît lorsque les interactions avec notre environnement ne sont plus comprises. Cette erreur de compréhension transforme notre méconnaissance du monde en préjugés et de ces idées préconstruites découle la haine. Notre faute, digne d'un péché mortifère, est de considérer nos interstices sociaux comme des actes universels. Cette méprise est promue par une machine à images journalistiques : la télévision. Cet être prend corps et esprit au sein de la cellule familiale au point d'en devenir une sorte d'universalité du savoir. On ne cherche plus à croiser les sources et à en extraire l'essentiel pour en analyser le contenu. Non, on devient téléphage, on mange de l'image toute faite, on gobe durant des heures entières des concepts fallacieux et superficiels pour ensuite les appliquer dans nos actes. Nos cerveaux ne sont plus disponibles. Nos yeux pensent comme le disent certaines tribus aborigènes. La réflexion est descendue dans nos organes de vision. L'image fait foi et c'est pour ces raisons que nous devons au maximum coller à notre tableau social. Je ne possède plus une identité humaine, j'obtiens désormais une vision holographique de mon statut dans ma contingence d'être doué de raison. Tout ceci, mon cher collègue, est surprenant. La mort de la société est plus proche qu'on ne le croit et personne n'ose entrevoir la souffrance engendrée par celle-ci. N'ayant pas envie de finir sur une note ténébreuse, j'imagine que la solution de la curiosité existe. Notre univers est surpeuplé de bulles si différentes, aux codes distincts, aux valeurs divergentes et aux saveurs si subtiles qu'il serait si bête de ne pas en picorer le meilleur. La transversalité est le super héros de la sociologie, faisons lui confiance. Merci.

Cordialement

K.B

mercredi 13 mai 2009

Que sait faire un cuistre ?


Cher Khalid Bouachiche,

Sur le grand sujet qu’est l’hypocrisie, j’ai des raisons de penser que cette épidémie insidieuse s’accroît dans le monde universitaire plus qu’elle n’est présente dans les mécanismes horlogers de l’administration mondiale. Je justifie ma souscription en référant directement à votre idée d’application de la justice sociale. Or je ne vois pas en quoi cette forme de justice est respectée quand les autorités de l’Université ne cessent de proférer la réalité de l’égalité des chances. Ce processus de répétition est suspect au même titre que le présumé coupable qui ne pourrait pas s’empêcher de parler de sa « conscience tranquille ». Il n’y a pas plus coupable qu’un innocent qui fait semblant d’avoir un alibi psychique. Considéré du point de vue de l’Université, cet alibi est d’ordre théorique, l’égalité des chances étant précisément la théorie qui décrit les façons de réussir dans l’enseignement supérieur.
Du point de vue de la pratique, il n’est pas défendu de prendre l’égalité des chances au pied de la lettre. Que les choses soient claires : il y a des jours avec et des jours sans. Nous n’avons pas des cerveaux-machines en tant que publics de l’Université. Parfois les succès se jouent comme le dénouement d’un match de tennis. La balle heurte le filet et il faut attendre quelques secondes interminables pour savoir de quel côté du filet elle va retomber. Cette pesanteur du hasard, Woody Allen la capte dans Match Point en filmant la vie d’un anti-héros qui contrôle ses décisions mais qui ignore leurs résultats. De la même manière, tout étudiant maîtrise un savoir mais il n’est pas dit que ce savoir soit maîtrisé au point d’en faire une science. C’est une première forme d’incompétence que le manque de recul vis-à-vis des savoirs enseignés. La plupart du temps, un étudiant désire transformer un savoir en discours infaillible, ce qui détruit l’enjeu a priori d’un savoir. Savoir n’est pas savoir. Savoir consiste à se ressouvenir de ce que l’on croyait savoir. En définitive, le savoir ne s’assimile pas, il se consomme au fur et à mesure qu’il se rappelle à nous, utilisé dans différentes situations. On peut par exemple savoir qu’une hirondelle a fait le printemps, toutefois on peut se demander laquelle en particulier.
Une autre morphologie de l’incompétence, à un niveau davantage éthéré que les misérables volontés estudiantines, touche la caste des savants, en l’occurrence ceux qui émettent le savoir. Nous avons jadis tenu des propos vénéneux envers les professeurs de vérité. Cependant, il est très compliqué de les identifier car ils se cachent derrière le prestige historique de certains établissements. On estime alors, par le simple truchement de la postérité intellectuelle d’un édifice universitaire, qu’un enseignant de l’Université de Karlsruhe en saura largement plus qu’un enseignant de l’Université de Mogadiscio. Cette dévalorisation des Universités, abominablement entretenue par le classement de Shanghai, rejoint ce que j’écrivais à propos de la botanique des peuples. Je tire de cette discrimination une conclusion sans appel : il est plus facile d’être incompétent en Europe qu’en Afrique. Pourquoi ? Parce que le mauvais professeur africain n’a même pas l’histoire de sa faculté pour le rattraper de sa médiocrité. Inversement, le cuistre d’un établissement germanique se protègera grâce aux grands portraits qui ornent les amphithéâtres. Il pourra dire n’importe quoi du moment que le regard condescendant de Goethe affligera les foules apprenantes. Du reste, en plein milieu de la nature hostile, faire semblant de savoir est pire qu’un mirage au désert. Là-bas, des étudiants mécontents sont des étudiants qui promettent le rétablissement du savoir par un numerus clausus découpé à la machette.
Adviennent alors les stratégies d’hypocrisie dont vous introduisiez le principe. Un cuistre parviendra au sommet d’une chaire si, et seulement si, il se donne l’opportunité de baliser les chemins qui y mènent. Le cuistre, de la sorte, agit en subissant son incompétence en sourdine. Son génie relatif se définit par une aptitude à passer pour plus sachant que le vrai savant, lequel est souvent assimilé à une incarnation de la jalousie et de l’envie en face de celui qui y est arrivé.
La politique française est inscrite sur ces registres d’hypocrisie depuis l’époque de ce vieux caniche qu’on appelait « général ». Par cette circulation de l’incompétence au sein des pouvoirs politiques, on a pu recenser des ministères de l’agriculture surpeuplés de technocrates. Très curieusement, vous pouvez aussi trouver dans d’autres ministères des gens qui vous diront que l’Université n’est pas professionnalisante alors même qu’ils n’y ont jamais mis les pieds. Ils trafiquent des arguments qui tombent en arguties. Mais ce qui les immunise en dernière instance, ce sont les cartographies qu’ils ont tracées et qui passent pour être des espaces respectés puisque relayés par toutes sortes de médias. Depuis l’avènement de la télévision, on croit que le pouvoir est fort dans la mesure où celui-ci apparaît de façon sérielle sur tous les postes de télévision. Mais ce n’est pas parce qu’on observe simultanément dix millions de fois le visage d’un hybride caniche-veau que la créature en question existe en dix millions d’exemplaires biologiques. Ce n’est qu’un homme qui s’exprime.
L’incompétence sait faire au moins une chose : gérer les mécanismes de visibilité. Il est moins ridicule de s’étouffer en mangeant un bretzel quand cela est envisagé à titre d’événement. La raillerie des critiques nourrit une fragilité relative du pouvoir alors que le même pouvoir se cache pour préserver son incompétence. Aussi, cette exaltation du pouvoir confirme le peu d’attente des peuples, ce qui donne le sentiment que sans la présence du pouvoir (montrant ou se cachant), le peuple serait désorienté, incapable de se construire une cartographie. Or tant que nous serons les plâtriers des mythologiques gouvernementales, nous ne pourrons que nous raconter des histoires sur notre probable capacité de désobéissance. Et la télévision a réussi ce coup de force qui consiste à condenser le monde, à centraliser le pouvoir, à jouer sur les images. Les programmes ne sont interrompus qu’à partir d’une catégorie d’événement qui ne possède pas réellement de définition propre (pourquoi le 11/09 et moins le 11/03 espagnol ? pourquoi la récurrence de la Shoah et moins le génocide rwandais ? - ce sont autant de questions qui introduisent un malaise axiologique). Dans cette perspective, je ne mise pas sur une actualité de la désobéissance civile. Il ne s’agit que d’un asservissement civique dont on soigne le peuple par des jeux. Donnez de la Coupe du Monde de foot et vous obtiendrez un peu de calme. Et vous verrez que si la désobéissance espérée en vient à se souvenir qu’un certain Henry David Thoreau y avait déjà pensé, des cuistres penseront à réduire le délai qui sépare deux événements sportifs importants. Du pain et des jeux, c’est tout ce qu’il faut pour être un bon cuistre. Un cerveau et des livres, c’est exiger de l’effort, ce même effort qui fabriquait les foules désobéissantes.

Bien cordialement à vous mon cher collègue,

K. Deveureux

Lutte semi-finale.


Mon cher compagnon de réflexion,

Je vous retrouve parfaitement dans cette comparaison si subtile de la faune et de la flore et ne peux que vous rejoindre dans les jardins corrompus de l'Eden. Vous aurez sûrement remarqué, depuis quelque temps déjà, que le seul outil dont dispose un incompétent se prénomme l'hypocrisie. Elle se définit comme le relent d'un fluide odoriférant qui se manifeste à vos narines quelques secondes après le passage physique d'une personne.
En effet la médiocrité n'a plus de limites dans la capacité sociétale de promouvoir des personnes ignorantes, inaptes, mauvaises et profanes à des responsabilités politiques et sociales. La fausseté du discours est donc la seule arme dont elles peuvent (ces personnes) se prémunir en vue de légitimer leurs droits de chaire. Je me scandalise une fois de plus face à ces gloussements de poules d'arrière-salles et de couloirs nauséabonds qui pourrissent en son centre le développement sociologique d'une civilisation. Il s'agit bien là de dénoncer un système de double discours qui semble favoriser l'opacité des actions décidées par nos gouvernements et toute personne afférente aux responsabilités politiques.
Vous le savez bien mon cher collègue, les paroles passent et les écrits, définis comme actions, restent. Et j'encourage dans ce sens toutes les remastérisations de la chanson de Dalida. Cette double fonctionnalité du langage, blanc devant et noir derrière, n'a qu'une seule vocation, celle de masquer l'incompétence et l'inculture des arrivistes. Cette dualité latente, lorsqu'elle est poussée à son paroxysme, conduit inexorablement à la censure.
J'accuse les responsables administratifs de tous les pays d’encourager la médiocrité comme seul faire valoir social. J'accuse le système « American Dream » de faire croire aux pauvres sans domicile fixe californiens que les millions sont à bout portant. Cela ne fait que plonger l'être humain vers une décadence perverse. Le pouvoir semble être la seule façon d'avoir un orgasme social. Et pour finir, je révoque le droit constitutionnel de la morale obscurantiste qui se définit comme diplomatie et langue policée. Je suis profondément outré de cette mascarade que tout le monde semble tolérer et de ce fait justifier.
Je veux montrer, au contraire des incapables, que le bras armé du savoir-faire et du savoir-être est la justice des propos. Immanquablement, lorsqu'on occupe un poste taillé pour nos connaissances et nos expériences, puis de manière transversale nos valeurs, nous ne ressentons plus le besoin de se cacher derrière le masque de la vanité et de l'hypocrisie. Au contraire, nous poussons la justice sociale et nous contribuons à rendre l'espoir à certaines personnes démunies au sens spirituel du terme. L'expression toute faite, « chaque pot a son couvercle », n’est en fin de compte pas si totalement dénuée de sens quand on l'applique au domaine sociologique. Nous nous devons d'alerter les pouvoirs publics de cet acharnement volontariste qui promeut l'inculture et l'inexpérience. Il est vrai aussi que notre devoir d'accusation, en tant qu'élite intellectuelle, se heurte au système privé des grandes entreprises arborant des visages inhumains. Néanmoins la lutte est nécessaire pour libérer nos pensées et nos actions.

A vous,

K. Bouachiche

vendredi 1 mai 2009

Botanique des peuples.


Cher collègue et ami,

Il est réjouissant de vous retrouver après ces temps d’occupations diverses. Beaucoup risquent d’être choqués par vos nouvelles pensées. Ils auront tort mais nous les pardonnerons car ils ne savent pas ce qu’ils pensent. Vous dites en fin de compte que la nature humaine a échoué à comprendre son identité naturelle. C’est un constat inéluctable et il me semble que la cause première d'un tel état d’ignorance prend racine dans un refus qui ne possède pas réellement de nom, soit l’inaptitude à comprendre la fonction vitale de la mort naturelle (éventuellement, proposons le néologisme suivant : athanatosophie). Vous illustrez cette idée en affirmant que l’économie relève d’un satanisme sous-jacent, lequel se traduit en surface par des comportements qui délocalisent la nature humaine de ses fonctions naturelles. Or les couches artificielles que nous superposons sur nos volontés ne valent pas le vêtement du trappeur quand celui-ci s’en va traquer le castor. La différence étant que le trappeur se vêtit en conséquence alors que l’insensé s’habille d’une pensée dont il n’a même pas conscience de ne pas pouvoir la choisir. On se retrouve alors au milieu d’une confusion des êtres qui écrase de son poids cyclopéen la possibilité d’une ontologie méthodologiquement espérée. En outre, vous connaissez ma minutie pour tout ce qui concerne les questions d’ontologie.
Je voudrais alors rejoindre vos thématiques non pas en faisant usage de la réponse systématique mais plutôt en proposant quelque chose qui sache continuer la réflexion à défaut de la circonscrire. A l’évidence, nous avons l’intention d’approcher une définition probable de ce qui existe quand nous disons qu’il y a des êtres vivants. Cette perspective faussement vitaliste me conduit à faire l’étalage d’une botanique un peu particularisée. Je vais donc énumérer un certain nombre de familles végétales en donnant des indices géographiques, ce qui devrait en principe m’amener à l’élaboration des portraits emblématiques qui habitent le monde. On verra au passage que ce retour aux sources, en quelque sorte, est une manière adéquate en vue de se prononcer sur la nature ontologique des êtres qui ont en eux le principe de mort. Je laisse par conséquent en coulisse tout ce qui se rattache au religieux et au mythologique, les dieux ne pouvant en ces circonstances nous être d’aucun secours profitable.
Voici mes familles présentées dans un nécessaire désordre afin de ne pas subir une accusation saugrenue de « génocide par l’exemple ». En d’autres termes, l’ordonnancement de mes catégories n’est pas présidé par un esprit hiérarchique.

1. Parc tropical : il s’agit d’espaces rebelles qui se distinguent des savanes, c'est-à-dire qui prennent vie au sein même d’un milieu de savane ou bien à très grande proximité de ceux-ci. Ils se caractérisent par une dégradation de la forêt dense en ce sens qu’une sécheresse saisonnière y apparaît. Ainsi l’espacement entre les arbres est plus grand, ce qui permet au soleil de pénétrer les sols. RESULTANTE ONTOLOGIQUE : la cohabitation se mérite car on ne comprend pas au premier abord les raisons qui font que l’un vit à l’ombre et l’autre au soleil. La promiscuité n’a pas réellement sa place dans la mesure où le passage d’un état de bronzage à un état albinos est régulé par une délimitation franche entre les ressources de la nature et la décision des êtres à se prémunir de tel ou tel dérangement. Si bien que les rares tropicaux de la planète possèdent un esprit rationnel fort mais en contrepartie un degré de discernement faible. Mais ces handicaps potentiels n’ont que peu de valeur à l’intérieur d’un monde où toute chose est ombre ou lumière.
2. Forêt boréale ou taïga : c’est la plus vaste étendue forestière du monde (conifères – vers le Nord, le mélèze se mêle souvent au sapin). Une aggravation des conditions thermiques engendre la disparition de la forêt boréale qui se meurt au profit de la toundra (formation basse, herbacée, buissonnante). On parle ici des zones les plus septentrionales du globe terrestre. RESULTANTE ONTOLOGIQUE : de nouveau nous sommes confrontés au problème de l’émulation frontalière, à ceci près que la délimitation n’est dans ce cas plus une question de luminosité mais de température. Un pas supplémentaire et tout est dépeuplé. Voici en somme une société où richesse et pauvreté sont filles de Froid et Grand Froid. L’opposition n’est pas génératrice d’un clivage franc, encore que je ne veuille pas simplifier la situation en parlant d’une vulgaire différence de degrés. Habiter la toundra, c’est pénétrer une temporalité alternative où le cycle chronologique n’a plus de repères. L’être répond au défi de l’hostilité à l’être tout en conservant un socle de bienveillance à l’égard de ceux qui sont restés enfouis sous les sapins. Le thème de la promesse est intéressant en ce sens que celui qui habite la toundra est perçu comme un roublard pour peu qu’il ait des propositions à faire. En effet, promettre meilleure vie à ceux qui ne sont pas capables de quitter la compagnie des mélèzes revient à accélérer la pulsion de mort. C’est pourquoi les rares arpenteurs de la toundra sont les victimes d’un racisme climatique (ou délit de mauvaises conditions ambiantes).
3. Steppe continentale tempérée : nous avons là une formation ouverte herbacée, très fragile et souvent dégradée en bad-lands, la plupart du temps par les troupeaux. Ces steppes bordent les prairies en Russie tandis qu’elles occupent le bassin des Rocheuses en Amérique du Nord. RESULTANTE ONTOLOGIQUE : la scission cérébrale chère au professeur Bouachiche est parfaitement exemplifiée dans ce cas précis, en ce sens que les bêtes ne sont pas entièrement livrées au bon vouloir de la domestication agricole. La difficulté principale étant évidemment de savoir tolérer les bêtes en même temps que l’on accepte de vivre à plusieurs dans des étendues pourtant très vastes. L’exercice est donc triple pour le cerveau : reconnaissance de l’originalité animale, assimilation du voisinage humain, compréhension analogique de l’animal et du biologiquement assermenté. Autrement dit, la bête et l’homme se chevauchent sans jamais transgresser les rôles qui incombent à chacun. Il est de ce fait fondamental de noter que la responsabilité est tout aussi attestée chez les hommes que chez les bêtes. Si les Occidentaux urbains rient lorsqu’un cheval est excité par une jeune femme, les autochtones des steppes attaquent en justice le bœuf hors la loi. En corollaire, la question de l’abattage massif ne se pose pas puisque les hommes de là-bas privilégient la nourriture provenant d’animaux définitivement expulsés de cette micro-société.
4. Forêt caducifoliée tempérée : ce sont des forêts formées essentiellement d’arbres à feuilles caduques. Il faut savoir que cette forêt occupait la majeure partie de l’Europe avant l’intervention polymorphe des hommes. Pour l’anecdote, cette forêt est largement présente aux Etats-Unis, la forêt appalachienne étant la plus grande forêt caducifoliée du monde. RESULTANTE ONTOLOGIQUE : l’être de raison (l'être cogitant) existe selon un schéma d’engendrement et de corruption (vie et mort se succédant). Des feuilles tombent et repoussent, des enfants naissent et parfois meurent. L’identité de rapport qui existe ici entre forêt et êtres vivants bipèdes est porteuse du sentiment d’athanatosophie. Les saisons ont un potentiel symbolique exacerbé : l’automne est protecteur de mélancolie alors que l’été est déclencheur de passions immodérées. On s’aperçoit donc que la tempérance climatique n’influe en rien sur la tempérance des esprits. Plutôt que de suivre l’enseignement du juste (dikè), l’être suspend son développement ontologique en choisissant involontairement (mais consciemment) la démesure (hubris). Paradoxalement, la richesse naturelle est peu exploitée malgré son abondance. On lui préfère la richesse des apparences et l’on croit se déresponsabiliser en pensant avoir pris de belles photos du paysage.

Cet essai de biogéographie ne prétend pas concourir à une quelconque évolution des mentalités, la question ayant déjà été traitée jadis par le baron prussien Alexander Von Humboldt, auteur entre autres des Voyages aux régions équinoxiales et de l’excellent Cosmos, essai d’une description physique du monde.
On aura compris que ce qui m’intéresse, c’est en définitive la suite dans les idées géographiques, à savoir l’idée d’une ontologie fondée sur des rapports d’être et de nature localisée. Je demande alors : faut-il vivre dans la perfection du cactus ? faut-il encombrer l’horizon de l’Arizona en se déguisant en épouvantail épineux ? Y a-t-il en fait un sens à dire que l’adaptation des végétaux est une raison de penser que notre adaptation se conjugue sur la même ligne de phénomènes ?
Sur ce point, je rejoins mon éminent collègue le professeur Bouachiche. Nous sommes complètement responsables de ce qui nous arrive et dire un peu vite que la nature est ingrate, c’est finalement ne rien dire. Je terminerai en dénonçant l’absurdité d’un moralisme économique ou capitalisé. Pour qu’une ontologie se donne une chance de réapparaître, il est à mon avis nécessaire de l’intégrer à partir des voies naturelles.

Ontologiquement vôtre, bien entendu.

K. Deveureux

La folie Louise Michel.


Mon cher collègue,

Je suis encore une fois consterné par l’actualité qui influe inexorablement sur le comportement humain. L’expression « crise économique » me semble être un aspect de couverture pour un mode politique barbare et sans scrupule. Je ne ferai pas d’exception et Monsieur Obama, malgré son aura de sainteté, sera tôt ou tard corrompu et esseulé par un système financier satanique.
Se pose donc la question de l’incompétence. Le monde libéral a permis de hisser au sommet de la société des faibles dont le manque d’intelligences (au pluriel car le terme est complexe et multiple) se répercute sur des hommes las et usés par la masse mondiale. Vous me parlerez donc d’égalité des chances, sinistres foutaises qui masquent indéniablement l’ignorance de certains hommes d’Etat. La loi de la nature est ainsi faite : les faibles se doivent d’être maintenus vers le bas et surtout de ne pas être éveillés au monde qui sommeille autour d’eux. Lorsque je parle de faibles occupant des postes clefs, je devrais affiner mon propos en parlant de systèmes de réseaux puissants qui comblent le manque de jugeote individuelle inhérent à leur condition par l’artifice d’un effet de masse. Ainsi, servant leurs intérêts, ils parachutent des incompétents au-dessus de la pyramide du pouvoir, rendant caduque l’argument français : « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Les conséquences d’un tel programme sont terribles pour les populations reculées dans les abîmes et profondeurs de la rue ou des pays retardataires. Nous arrivons donc au phénomène d’exclusion, nécessaire à toute volonté libérale et extrémiste. Ne nous voilons pas la face, la nature est ainsi et l’homme n’a malheureusement pas su en extraire un véritable parti. Au lieu de cela on a réussi à mettre en place un microcosme de privilèges mené par des lobbies puissants qui, tel un tracteur mécanique, labourent la terre humaine jusqu’à l’infertilité pour en récolter tous les lauriers. Je suis outré par l’hypocrisie politique qui clame à coup de réclames et slogans parfaits que n’importe qui peut devenir important. Je suis pour une école sociétale où nous valorisons les compétences véritables de chaque individu au profit de notre environnement. Ne cherchons plus à vouloir obtenir une conscience mondiale ; cela agit sur le cerveau des faibles, et cela les pousse en conséquence vers la porte de sortie nommée folie furieuse.
Pourquoi nos psychiatres détectent-ils davantage de pathologies schizophréniques ? Je vous le demande. Eh bien la réponse se trouve devant nous : l’homme a mondialisé la planète en rendant accessibles, notamment par internet, toutes les cultures. Comment un simple cerveau humain peut engendrer autant de connaissances du monde sans risquer une scission de personnalité ? Je vous le redemande une fois de plus. La dissidence du « human-brain » s’effectue dès lors que l’individu tente d’apprivoiser sa conscience omnisciente du monde. Je noterai un dernier fait aggravant de cette folie qui pousse les gens à être anthropophages, en l’occurrence celui de l’exclusion impartiale. En effet, pourquoi des ouvriers en viennent à séquestrer des patrons d’entreprises ? Eh bien cela est d’une simplicité enfantine : les entreprises sont devenues, corrélativement à cette mondialisation, des monstres sans visages qui licencient sans explication aucune. Attention ! Je ne suis pas en train de prendre parti pour ces classes sociales, au contraire je tente d’expliciter ce comportement sociologique et je vous renvoie, cher confrère, à un film français qui traduit sans fond de teint ce fait socio-économique, j’ai nommé Louise Michel. L’impartialité de certaines décisions rarement motivées au grand jour contraint les citoyens à la révolte, et ce d’autant plus lorsqu’on leur assène un discours sur la peur au sujet d’une crise sans fondement. La peur ne fait qu’accentuer cette scission du peuple : « les riches contre les pauvres ». Je vous en prie, cher confrère, dépassons ce clivage obsolète.

Bien cordialement,
K.B