lundi 1 mars 2010

Hitler avait un toc.


Mon cher ami,

Votre discours m’a bouleversé les sens. Je suis en passe de rejoindre votre éventuel « club de fanatiques étudiants ». J’admire vraiment votre perception analytique du nouveau nazisme qui prend forme en chacun de ces êtres rongés par le désir de contrôler un territoire virtuel. Ainsi Second Life ne serait qu’un troisième Reich en puissance. Je me suis alors fait la déduction suivante : pourquoi exprimons-nous ce désir ardent de reconnaissance et de contrôle sur un espace web prédéfini ? Est-ce que l’absence de réalisation de soi par le travail est à l’origine de cette dépendance morbide ? Ou est-ce dû au manque cruel de courage pour oser s’affirmer dans une réalité trop difficile à envisager ? Pourquoi notre image nous pose des problèmes d’intérêt ?
J’ai déjà évoqué la quête de Monsieur Andy W. et sa maxime du quart d’heure de gloire mais ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’homme aurait-il donc un besoin naturel, causé par sa conscience, de projeter une image si parfaitement construite que finalement elle aspirerait toute l’énergie vitale de l’âme afin de permettre la reproduction de ses miasmes ? Nous rejoignons ainsi les croyances des Aborigènes concernant l’outil photographique. Cette quête sacerdotale n’est-elle pas un substitut à la lutte pour sa propre survie ?

Internet se traduit finalement comme la nouvelle lutte des classes. Un combat pour le pouvoir, seule forme omnipotente de reconnaissance et de revalorisation de soi. Nous avons donc une véritable déperdition dans l’approche constructive du soi. Vous le dîtes si bien : on ferait bien mieux d’acquérir la connaissance de sa rue avant de se proclamer aventurier de terres lointaines. Un symptôme sociologique a fait son apparition. Il traduit bien ce malaise social qui consiste à rapidement se construire un avatar avant même de s’établir comme être possédant une âme et une conscience. Ce trouble obsessionnel du comportement, appelé TOC, traduit parfaitement le manque de connaissance du « Surmoi ». Hitler n’avait finalement qu’un toc dû au manque de reconnaissance de ses dons artistiques. La distance entre la projection inconsciente de son être et sa véritable nature a provoqué la perte de nombreux Juifs. Il est par conséquent nécessaire pour ces fascistes du web en devenir d’adapter une personnalité hitlérienne à leur(s) avatar(s). Ainsi une dépendance ponctuée de frustrations se crée. Plus le temps passe et moins l’affranchissement de sa propre représentation construite est possible. Nous sommes face à un dilemme récurrent de nos sociétés modernes.
Dans ce monde omniscient à l’individualisme exacerbé la pression sociale pousse les hommes dans ce retranchement qu’on appelle « avatar ». Le TOC reste donc le signe avant-coureur d’un glissement irréversible vers une personnalité construite devenue indépendante de son esprit créateur. L’obsession du contrôle devient pressante dans ce monde contemporain où tout nous échappe. Les hommes se perdent dans une communication et une économie devenues virtuelles. Plus les éléments « repères » de notre équilibre mental sont éloignés de notre perception consciente et de notre environnement immédiat, plus nos comportements sociaux deviennent « borderline ». J’illustre donc mes propos en disant ceci : une corrélation existe entre la distance cosmique qui persiste à travers les grandes sociétés leaders des marchés et une attitude d’anorexie ou de dépendance accrue à la chirurgie esthétique – la fluidité des richesses n’entraîne pas forcément la fluidité psychique des populations qui dépendent des gros marchés.

La complexité de l’ « avatar » réside dans le clair obscur de l’intimité. Je m’explique : aujourd’hui nous existons par l’exposition de nos actes séculiers les plus basiques. Et pourtant, ces données révélées sur des sites communautaires paraissent pertinentes au moment où le clic sur la touche « entrée » est effectué; mais le temps fait son œuvre. Je cherche de la sorte à éclairer le trouble qu’un profil Facebook peut apporter à une construction de soi. Facebook est un tatouage de nos vies que nous ne pouvons enlever, une aliénation à notre passé comme ces vieux bikers américains qui arborent sur leur avant bras des jeunes filles en bikini, devenues toutes fripées avec l’usure des années. En conséquence de quoi le contrôle de nos évolutions est ainsi engagé. Nous ne pourrons plus nous excuser de nos erreurs passées, nous aurons à jamais une empreinte indélébile de nos vies. Peut-on avoir une idée de la force destructrice de ne pas pouvoir oublier ses actes regrettés ? Non, nous n’en avons aucune. La tectonique des comportements humains devient, grâce à Facebook, un tsunami identitaire. Pour conclure, j’endosserai le rôle de prophète de la sociologie : la perte des valeurs réelles donnera à l’humanité sa perte.

Bien à vous,

K.B

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