lundi 18 avril 2011

Nous irons pisser sur Jésus-Christ.



Les nombreuses controverses qui entourent le Piss Christ d’Andres Serrano nous tracassent. Nos lecteurs les plus assidus connaissent notre théorie sur l’archivage de la religiosité – la religion doit être empaquetée dans les cartons de l’Histoire. Il devient urgent d’abandonner les édifices du monde religieux en les soumettant aux lois naturelles. Si une politique de l’humanité veut se donner une chance d’être efficace, alors elle se doit de procéder à un glissement sémantique de ses promesses ; en d’autres termes, les attributs d’un monde meilleur n’ont aucune prise sur l’existence si on les rend efficaces uniquement sur la base d’un extra-territoire. Par conséquent, la territorialisation du politique procède nécessairement d’une éviction du religieux hors de la sphère publique, et même hors de toute sphère pour peu qu’elle soit humainement praticable. Le pape a donc le devoir de démissionner et d’emporter avec lui son administration fanatique. Les mésusages de la crédulité ont paradoxalement produit plus de mal qu’ils n’ont assouvi de bonté ; ce ne sont pas les attroupements des « Journées Mondiales de la Jeunesse » qui démentent notre propos. Il nous fait grand-peine, périodiquement, d’observer l’extension du territoire des brebis au détriment d’un espace pratique où les intelligences sont à l’aise. Autrement dit l’agrandissement de la crédulité religieuse implique un rétrécissement inquiétant de la raison sceptique. Comprenez qu’il est bon de douter provisoirement de tout avant d’adopter tel ou tel savoir. Or la religion a ceci de pernicieux qu’elle exige la consubstantialité des facultés de l’esprit avec le produit hasardeux de l’existence divine. Aussi, en fin de compte, la première preuve de l’existence de Dieu n’est ni un argument ontologique, ni une caution épistémologique, ce n’est que de l’incitation organisée à la crédulité, un commerce du savoir évanescent.




Par le passé, nous avons encouragé nos lecteurs à des actions fortes – tel que jeter les télévisions par les fenêtres, incinérer les œuvres de Walt Disney selon un principe de précaution mettant en jeu la stérilité sexuelle, etc., etc. Le temps est désormais venu de se rendre à l’Église pour jaunir l’eau des bénitiers. Personne ne peut plus nous parler de « maison de Dieu » à l’heure où les pouvoirs publics décident d’ériger un bâtiment religieux. En fait, un bâtiment religieux appartient à l’État, c’est donc qu’il s’agit moins d’une maison divine que d’une propriété privée qui s’octroie des tranches d’espace public. Les églises, les mosquées et les synagogues doivent impérativement être modifiées en fonction d’une rénovation du plan d’occupation des sols. Plutôt que d’accueillir diverses brebis malades de la tête, les édifices de la religion doivent être réhabilités en logements sociaux. La ville de Paris, par exemple, qui instancie de plus en plus les écarts outranciers entre riches bourgeois et pauvres hères, peut éventuellement commencer à montrer le chemin. Ce serait par ailleurs une manière sagace de combattre le terrorisme : si les monuments religieux deviennent des logements sociaux, alors les terroristes devront se trouver d’autres symboles, ce qui ne peut, à terme, qu’affaiblir leur crédibilité.




Nous irons prochainement pisser sur Jésus-Christ parce que nous jugeons cette action primordiale. Jésus en personne n’aurait pas condamné la « golden shower » à l’égard de son corps. Les trisomiques de la religion, comme les a déjà définis le professeur Bouachiche, sont des êtres très dangereux qui sont prêts à devenir violents pour une cause extraterritoriale. Ils sont si dangereux qu’ils ont recruté, nous l’avons vu, des trisomiques pathologiques, en leur vendant du bonheur et des exemples de vertu. Ces multiples dérives ralentissent le processus du progrès défendu par le vieil esprit des Lumières que nous essayons modestement de ressusciter. Pour autant, il n’est pas question de défendre unilatéralement le progrès, mais plutôt une instance du progrès fondée sur la formation de l’esprit scientifique telle qu’elle est thématisée par Gaston Bachelard. La religion est un obstacle épistémologique dont le dépassement, s’il se fait dans les règles, aboutira à d’excellents résultats. Transformer le Christ en pissotière altruiste concourt à la résolution de l’énigme religieuse, et par extension à l’archivage de la religiosité. Si l’homme s’est libéré de ses fers en contractant socialement, il lui serait quand même bienvenu de se libérer fermement des fers métaphysiques du religieux. L’éducation et l’avenir de nos enfants en dépendent.




Par métaphore, l’urine est la lymphe du Christ. Cette affirmation associative reste moins fantaisiste que le corps du Christ que les bigotes vont dévorer chaque fin de semaine. Rendons au Christ ce qui lui appartient en allant pisser sur ses tombes. Ce personnage de pacifisme a tant donné de sa personne qu’il est temps de lui renvoyer l’ascenseur de ses efforts inconsidérés. L’affranchissement des biens qui ne sont pas les nôtres (à savoir nos croyances les plus métaphysiquement ancrées) passe indubitablement par un retour de politesse envers ceux qui nous ont inculqué ces croyances. Chassez le prêtre qui loge en vous ! Allez à la selle en grimpant sur les bénitiers, ces vastes cuvettes de luxe. L’extrémité de ces comportements légèrement scato-morphes fera comprendre à l’opinion publique la nécessité de réaménager les lieux de la religion en commodités publiques. Pourquoi payer un euro pour se soulager alors que les églises abritent tant de petits coins inexploités ? Le paradoxe de cet aveuglement est si puissant que nous nous demandons comment les gens n’ont pas encore pu l’identifier. Il n’est que de se rendre autour du parvis de Notre Dame, dans ces restaurants médiocres aux prix pourtant élevés, pour questionner l’accès aux toilettes de ces établissements nourriciers. Les touristes, après de longues marches, ont souvent ingéré des quantités de liquides déshydratants. Le soir venant (ou le midi), ils aiment à se réunir autour d’une table pseudo-gastronomique pour dire, le plus candidement du monde : « J’ai mangé à Paris près de Notre Dame », et ce droit de manger leur donne le droit de se rendre aux toilettes pour expulser l’accumulation des liquides précédemment consommés. C’est d’ailleurs souvent l’envie pressante d’uriner qui détermine le choix d’un restaurant. Les professionnels du marketing connaissent l'occassion financière (que nous appelons avec force pédantisme la plouto-kairologie) des vessies fatiguées. Il suit de là trois conclusions frappantes bien que simplement raisonnées :




1/ Les monuments religieux payants ont parfois des toilettes mais, comme ils ont rarement de coin repas, il ne va pas de soi que l’on pénètre en ces lieux simplement par envie de faire pipi. Disons que le paiement du patrimoine équilibre le paiement des toilettes publiques afin d’éviter les agglutinations exagérées dans les WC des églises.


2/ Les restaurateurs ont tout intérêt, en conséquence, à ce que les édifices religieux demeurent payants ! En revanche, si les églises se transformaient en logements sociaux, le « prestige » des restaurants attenants faiblirait, et les chiffres d’affaire en souffriraient, ne serait-ce que parce qu’une institution métaphysique comme une église recouvre de son « aura » factice les pourtours du quartier où elle s’érige. On ne le voit que trop bien au Sacré-Cœur, proche de logements délabrés, mais dont les locations sont hors de prix parce que les propriétaires vendent de la métaphysiques aux locataires.




3/ Tout semble alors être question de spéculations immobilières, d’échanges de bons procédés. La religiosité est difficile à archiver parce qu’elle n’a pas encore réfléchi au « droit gratuit de faire pipi » ici ou là – disons plutôt là-bas qu’ici-bas, sous le regard de Dieu. La spéculation immobilière est une autre façon de créer de la métaphysique et de la crédulité. Les gens désirent, comme ils disent, « investir dans de la pierre », non pour que cela fluidifie les relations humaines, mais pour que cela fasse du profit quitte à saccager lesdites relations humaines. La gestion des patrimoines religieux fonctionne exactement sur le modèle de la spéculation immobilière, et ceci profite aux rayons d’influence de tous les cercles concentriques qui vont de l’épicentre d’un édifice religieux jusqu’aux extrémités de sa sphère potentielle de reconnaissance. Moralité : si vous allez pisser sur un Christ dans un quartier chic, votre peine devrait en principe être plus lourde que si vous le faites au pied d’un calvaire auvergnat. Dans un monde où même la croyance semble monnayer des formes d’alibi, le rééquilibrage ultime s’impose, donc il faut commencer au plus difficile, c'est-à-dire les repères des grands bigots. Vous verrez comme ils deviendront violents quand vous aurez rendu au Christ sa lymphe. Non parce que vous aurez en effet pissé sur un Christ, mais parce que vous aurez un moment ralenti le circuit financier que tout cela représente à leurs yeux. Dans cette perspective, il serait bon de monter une expédition urinaire à Lourdes afin de définitivement vérifier ce que nous disons. Nous y verrions, à notre avis, de belles confusions entre le droit public et le droit divin.




Professeurs Bouachiche, Deveureux.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

c'était très intéressant à lire. Je tiens à citer votre post sur mon blog. Il peut? Et vous et un compte sur Twitter?

code d'einstein a dit…

AVEZ-VOUS UN SCHÉMA DE LA CHRISTOSPHÈRE ??
(fermaton.over-blog.com)

Messieurs Bouachiche / Deveureux. a dit…

Notre message peut être diffusé, évidemment.

Secondement, nous n'avons pas encore travaillé sur un schéma de la "christosphère". Nous y pensons.

Bien cordialement à vous,

KB, KD.