samedi 17 septembre 2011

Réquisitoire contre la télévision.





Cet exposé veut avertir l’ensemble des publics des effets profondément néfastes de la télévision. Notre analyse ne s’inscrit dans aucune chapelle théorique, pas plus qu’elle ne poursuit un examen sociologique à la mode depuis environ une vingtaine d’années. Nous entendons reformuler le problème posé par la télévision à l’aide d’outils transdisciplinaires, comme la sociologie bien entendu, mais aussi la philosophie et l’anthropologie de l'homme cancéreux. Notre thèse affirme que la télévision va au-delà d’une contamination individualisée ; la télévision insémine une religion qui n’a pas de nom dans l’esprit des téléspectateurs, fidélisant les cerveaux et empêchant par conséquent la moindre intention de désobéissance civile. Le premier effet pervers du poste de télévision est donc celui-ci : il informe les gens avec une quantité abrutissante de données, toutefois il procède à la transmission des informations en suivant une crète morale rigoureuse dont l’équilibre garantit l’affaiblissement des énergies tout en excitant les opinions. Puisque l’information ne dépasse jamais vraiment le seuil de tolérance de ce que les gens sont prêts à intégrer, la télévision fait office de source incontournable car elle diffuse malgré tout des messages qu’elle seule peut concocter, trafiquer, en un mot mettre en scène. En se prétendant donc irremplaçable sans avoir à s’en justifier, la télévision étale son temps de parole comme une série ininterrompue de grandes messes dominicales. Une fois qu’un public est entièrement crédule, l’acte de changer de chaîne pourra se comparer à la souffrance d’un croyant qui est tenté par une autre croyance – il y aura parfois apostasie, infidélité provisoire ou athéisme sceptique, mais toujours la télévision trouvera un moyen de fabriquer des croyances adéquates afin de minimiser ses chances de perdre définitivement un « fidèle ». Car si la diversité des chaînes symbolise la diversité des religions, la télévision incarne le Premier Moteur de toutes choses.

En tant que telle, la télévision est saturée d’acteurs, de comédiens et autres nouveaux prêtres de la modernité. Orson Welles disait d’un grand acteur qu’il se caractérisait par un individu auquel il arrive de vraies choses. Par opposition, les fonctionnaires du monde audiovisuel ne sont qu’une pâte gélatineuse et très malléable, qui restituent le discours moral en provenance du Premier Moteur – ce Premier Moteur est en outre non identifié, sans attribut et dépourvu de concurrence ; il implique tout l’artifice du discours moral, toutes les pratiques de ses zélateurs, mais il est intouchable. Ces fonctionnaires sont donc des répétiteurs automatisés, mensualisés à prix coûteux, et de surcroît moins utiles qu’un véritable prêtre dans la mesure où ils n’utilisent leurs audiences qu’à titre de moyens. Un prêtre a au moins cet avantage qu’il considère en principe ses fidèles comme des fins.
La présence débonnaire du Premier Moteur est cruciale. En effet, comment expliquer que des personnes travaillent pour une entité qui n’a pas de forme organique ? C’est donc que parmi les fonctionnaires-prêtres s’articulent des hiérarchies où certains se sentent mieux investis que d’autres vis-à-vis des rapports possibles avec le Premier Moteur. En d’autres termes, on peut repérer parmi les travailleurs de l’audiovisuel des papes, des cardinaux, des évêques, des prêtres, et ainsi de suite jusqu'aux aides ménagers des monuments religieux. Nous devons définir plus précisément ces personnages et donner quelques exemples sans que nos listes ne soient exhaustives :

1/ Pape de la télévision : se dit d’un individu qui « est arrivé ». Il est l’interlocuteur privilégié des cardinaux qui souhaitent grimper le dernier échelon avant de connaître la totalité du discours moral - la Béatitude en un mot. Être pape, c’est être en accointance avec le Bien et toutes les manières de l’instituer. Si le Premier Moteur est inconnaissable par nature, le Pape est connaissable à la fois dans son image irréprochable (ou supposée telle) et dans ses actions – vouloir renverser ou critiquer un pape, c’est se condamner à devenir un iconoclaste, un scélérat ou un indésirable, et pas seulement dans le monde de la télévision. Par ailleurs, le Pape a acquis un tel niveau de respectabilité de la part de ses fidèles qu’il n’est plus réellement attaquable. Être pape, c’est donc encore le meilleur moyen de concrétiser ses arrangements, de renforcer sa puissance spirituelle et temporelle, et surtout de désigner ce que l’opinion a le plus tendance à rejeter dans le but de se rallier à un maximum de suffrages – il convient donc de suivre l’axiome suivant quand on fait de la télévision : « Tout mouvement politique déséquilibré comme les extrêmes sera de préférence ostracisé des discours ». Exemples de Papes : Michel Drucker, Jean-Pierre Pernaut, Michel Denisot (le moins influent des papes puisqu’il évolue sur une chaîne semi-payante, ce qui ne permet pas à sa religion particulière de se déployer avec toute la pompe des autres). Points communs : le Pape a donc un certain âge et son règne, le plus souvent, se termine à son décès. Ainsi, pour se débarrasser d’un Pape, il convient soit d’être un hérétique en priant pour sa mort, soit d’être un hérétique meurtrier en fomentant un assassinat. Jusqu’à présent, nulle tentative n’a été faite en ce sens, mais nous prévoyons que l’augmentation irrationnelle du charisme des Papes provoquera très bientôt des actions subversives de ce funeste acabit.

2/ Cardinal de la télévision : se dit d’un individu qui se soumet constamment à la volonté papale. Le cardinal écoute les paroles de la papauté et il en rédige les bulles par l’intermédiaire de ses actes publics. La position du cardinal peut s’avérer précaire compte tenu de la concurrence féroce. Il existe une authentique féminisation de la profession de cardinal étant donné que les femmes abusent de leurs atouts physiques pour se tailler une assiette socio-audiovisuelle. Ce sont le plus souvent des femmes non instruites qui n’ont bénéficié que d’obscures promotions, ou qui ont été « placées » selon le jeu des héritages. En tout cas, la position de cardinal est la plus exigeante de toutes : elle est à équidistance du rêve de l’accessit papal et de la chute au milieu d’un évêché dévalué. La cardinalité est en quelque sorte la classe préparatoire à la Papauté, ainsi il vaut mieux présenter une émission dans un studio parisien plutôt que se rendre célèbre dans des tournages provinciaux. Mais on a vu qu’à l’instar des Grandes Écoles de France, la cardinalité avait depuis quelques années inauguré des postes de cardinaux pour les minorités visibles (Canal Plus, par exemple, a donc fait croire que les Noirs et les Arabes bénéficiaient d’une superbe reconnaissance sociale dans notre pays). Exemples de cardinaux : Laurence Ferrari, Patrick Poivre d’Arvor (retombé au grade d’évêque alors qu’il était à deux doigts de devenir Pape), Nagui, Arthur, Alexia Laroche-Joubert (éminence grise), Jean-Pierre Foucault, David Pujadas, Julien Lepers, Claire Chazal, Nikos Aliagas (la plus spectaculaire des ascensions à ce poste), Marie Drucker (cardinalité immuable, profite de l’immunité du Pape Michel Drucker ; elle sera très certainement la première papesse de la télévision, d’autant qu’elle bénéfice d’affinités politiques inexpugnables). Points communs : les cardinaux gravitent régulièrement soit dans la présentation des JT, soit dans l’animation des jeux ; ils peuvent évidemment se révéler cumulards. Ils prouvent de la sorte leur capacité à diffuser la parole morale demandée en creux par les Papes, et imposée en puissance par le Premier Moteur. Il y a d’autre part une véritable mixité chez les cardinaux même si les femmes de ce groupe social ne brillent guère par leur esprit. Là aussi, on note que l’âge est plus ou moins de l’ordre de « la cinquantaine », sauf pour PPDA et Julien Lepers qui incarnent respectivement et ontologiquement la déflation et la stagnation.

3/ Évêque de la télévision : se dit d’un individu qui jouit d’une visibilité morale mais qui souffre d’être transféré d’une chaîne à l’autre, ou d’un horaire à un autre. Cela étant, son transfert est tout de même la preuve d’une incontestable réussite, et tout évêque peut évidemment atteindre l’état de cardinalité. Les profils des évêques sont variés bien qu’ils aient pour la majorité réussi leur parcours grâce aux « réseaux » qui comptent. L’évêque est un personnage déterminé, souvent vorace, et il fera preuve d’injustice si un mauvais comportement peut passer pour une bonne action au détriment d’un autre évêque (ou pire, d’un prêtre). Il existe au sein des évêques des personnalités non ambitieuses qui ont reconnu qu’elles n’avaient définitivement pas la carrure pour se faire cardinal. Ce sont en général des personnes qui ont la certitude de ne plus redevenir prêtre – en effet, rares sont les évêques à descendre d’un échelon, ce qui fait que le statut d’évêque apparaît dans le métier comme le plus indolent de tous. Malheureusement, du fait de la domination des Papes et des Cardinaux, les évêques essuient de nombreux caprices et de considérables jalousies, ce qui ne les aide pas à faire la part des choses entre la religiosité de la télévision et l’existence du monde empirique. Être évêque, donc, c’est avoir un bonheur irrégulier malgré l’argent, et beaucoup de soucis ponctuels. Exemples d’évêques : Laurent Ruquier (passé tout récemment de cardinal à évêque, mais une victoire du PS en 2012 le propulserait de nouveau vers la cardinalité), Frédéric Taddéi (évêque à vie), Nelson Monfort (évêque de complaisance), Laurent Luyat (évêque indolent qui a érigé la médiocrité du commentaire sportif au rang de catégorie aristotélicienne), Jean-Marc Morandini (historiographe de la religiosité, sorte de moine copiste), Vincent Lagaf (allégorie de l’évêque pitoyable et pathétique), Marc-Olivier Fogiel (on le promettait pape mais il n’a pas su jouer de ses réseaux quand cela aurait compté), Valérie Damidot (personnalité manipulatrice dont les rondeurs sont intrumentalisées afin que la ménagère s'identifie), Jean-Luc Reichmann (sera bientôt cardinal s’il reste à TF1), Ali Baddou (promotion récente, vient d'obtenir son Habilitation à Diriger des Recherches), Benjamin Castaldi (hybride évêque/cardinal, n’a pas encore défini sa position aux yeux des fidèles mais personne ne serait surpris de le voir bientôt cardinal), Frédéric Beigbeder (évêque multiformes et pervers polymorphe, incarne la propagation ontologique en vertu de sa faculté d’imposer une reconnaissance accidentelle due au déterminisme social – il est donc promis à la cardinalité dans une dizaine d’années, ce qui viendra lorsqu’on lui décernera forcément un Prix Goncourt), Alessandra Sublet (déception immense car elle était une humble prêtresse autrefois), Christophe Dechavanne, Julien Courbet, Patrick Sabatier, Patrick Sébastien (un déçu qui sait que la cardinalité sera difficile, néanmoins ses efforts pour y parvenir sont en même temps louables et pathétiques), etc. Points communs : par leur nombre, les évêques sont logiquement indiscernables ; ils peuvent se remplacer l’un l’autre sans vraiment que l’on s’en aperçoive, sauf si l’évêque est sur le point de toucher à la cardinalité.

4/ Prêtre de la télévision : se dit d’un individu « commençant », souvent diplômé et excellent connaisseur des « réseaux » qui comptent. Le prêtre est donc une personne qui a obtenu un diplôme (nous ne discuterons ni la valeur de ces diplômes, ni du problème de la reproduction des élites) et qui a pu être « poussé » par une connaissance familiale ou amicale – en l’occurrence soit par héritage, soit par intérêt, rarement par vocation. Bien entendu des prêtres prolétaires existent car ils justifient de la moralité de surface de ce petit cosmos refermé sur lui-même qu'est la télé. Si tout fonctionnait par le biais du réseautage, alors l’Église ne serait plus crédible et plus personne ne voudrait apprendre à devenir un prêtre, ni ne rêverait, pourquoi pas, de devenir un jour un Pape. Le prêtre instancie par conséquent le meilleur objet transitionnel pour faire croire au téléspectateur crédule qu’il a parfaitement réussi ses examens de première année en théologie audiovisuelle. Si bien que le prêtre se doit de représenter un idéal pédagogique (le diplôme), un idéal physique (la bonne présentation ou image du petit ami modèle/petite amie modèle), et enfin un idéal de totale obéissance (la probité, qui sert de modèle/patron aux enfants qui veulent ressembler à ces personnages). Il est en outre impossible qu’un prêtre ne dise rien sur un Pape. Un prêtre, que ce soit publiquement ou en coulisse, se prononcera toujours positivement sur un Pape. Le prêtre, malgré sa position de « rookie », justifie toute l’articulation de la hiérarchie religieuse du monde audiovisuel. Sans les prêtres, il n’y a pas de liturgie et de prosélytisme, ni de croisades contre les extrémismes. Exemples de prêtres : Cyril Féraud (le « minet » prêtre paradigmatique, véritable génie pour faire un pont entre la prêtrise débutante et les seniors), Raphaël Enthoven (le « philosophe de service » malgré lui, qui a rallié à sa cause première des causes efficientes comme le tout nouvel impétrant en théologie Ollivier Pourriol, Vincent Cespedes, et plus discrètement Géraldine Muhlmann, à moins que ce ne soit l’inverse, sans oublier Michel Onfray etc.), Fabien Namias (exclusivement le fils de Robert Namias, absolu représentant de l’héritage automatisé dans son système bien huilé), Mouloud Achour (dont l’avenir sera compliqué en cas de persistance du sarkozysme – précisons ici que la religion télévisuelle va de pair avec l’instrument politique ; il n’y a pas de laïcisation entre la télévision et la politique, les deux instances y allant de leurs hiérarchies concurrentielles mais savamment complémentaires), Natacha Polony (qui a monté les échelons très graduellement en multipliant ses interventions auprès de l’évêque Taddéi), Audrey Pulvar (ancienne de l’évêché et qui n’y reviendra plus sauf en cas de victoire du PS en 2012), Arielle Boulin-Prat (une incroyable constance dans la prêtrise, mais en même temps une incroyable rhétorique de la morale didactique), Hervé Mathoux, Jean-Michel Apathie (restera éternellement un prêtre à cause de son parcours scolaire tardif, preuve de sa lenteur à assimiler les indices de la bi-présence Premier Moteur/Politique, ce qui explique en fin de compte son désir de commenter la politique à satiété, en somme son désir de comprendre le fait religieux dans sa plus pure authenticité), Carole Rousseau, Estelle Denis, Éric Naulleau (probablement hérétique mais a cependant montré des efforts en prenant la plus petite des églises qu’on pouvait lui offrir), Mélissa Theuriau (seul un divorce avec Djamel Debbouze pourrait recapitaliser son potentiel à l’évêché), toutes les présentatrices de I Télévision qui s’apparentent davantage à des « starlettes » qu’à des professionnelles, etc. Points communs : jeunesse relative voire adolescence tardive (adulescence), ambition démesurée, souffrant de pleonexia pour reprendre une terminologie d’Aristote dans Éthique à Nicomaque. Conséquence : les prêtres ne préparent aucunement une éthique du vivre-ensemble et de la justice, ils échafaudent la constance des publics pour perpétuer la morale hypocrite du Premier Moteur. Les prêtres sont donc les premières personnes dont il faudrait se débarrasser pour assainir la nécrose spirituelle qui touche la France. Peut-être alors pourrait-on envisager une sincère désobéissance civile.

Cette typologie ne va pas jusqu’à se préoccuper des vrais « ouvriers » de la télévision, qui sont ceux qui souffrent les pires atrocités morales (William Leymergie, que nous n’avons pas classé, s’est démarqué en tant que diffuseur public de l’atrocité d'après certaines rumeurs). Cependant, cette typologie doit aider le lecteur de bonne foi à entreprendre en lui-même les modifications fondamentales qui pourront nous conduire vers une vie de l’esprit retrouvée. Tant que la télévision habitera les logements de France, le pays s’enfoncera dans l’obscurantisme et la lobotomie. La laïcisation de demain consistera en une séparation franche de la télévision et des téléspectateurs. L’audience de la télévision doit procéder à sa métamorphose ovidienne réussie, à savoir qu’elle se doit de devenir spectatrice de la vie au lieu de se prosterner devant le simulacre télévisuel. Car, dans le fond, qu’est-ce que la télévision sinon l’habile structuration d’un monde factice où les religieux se congratulent mutuellement tout en accentuant la facticité du lien de leur monde avec le nôtre ? C’est qu’on ne mesure pas suffisamment l’outrecuidance de ces émissions de télévision qui traitent de… l’histoire de la télévision ! Si l’on veut se préoccuper d’histoires factices, nous conseillons au lecteur de bonne foi de se mettre entre les mains un bon roman (c’est-à-dire non chroniqué à la télévision) et de jeter par la fenêtre sa télévision. Quand les postes de télé joncheront les trottoirs et les décharges, alors nous serons parvenus aux prémisses d’une désobéissance civile vérace. Et pour ce faire, nulle violence sinon la violence envers soi. Les gens de télévision sont comme les sophistes : si personne n'écoute leurs discours, alors le sophiste meurt en son principe.
De toute évidence, cette typologie annonce les préliminaires d’une méthodologie que les publics devront s’approprier et affermir. Il est conseillé de garder sa vigilance dans les milieux connexes de la télévision : littérature contemporaine, radio, cinéma français d’héritage etc. Les tentacules de la religion sont effectivement infinis, en quoi il est urgent de les sectionner à la racine puisqu’il est impossible d’en repérer le bout. Que nos propos, néanmoins, ne soient pas déformés : nous n’appelons pas à l’assassinat des Papes, mais nous les avertissons qu’une sédition à leur encontre ne serait aucunement surprenante compte tenu des valeurs épouvantables qu’ils transmettent.
Enfin, un certain nombre de remarques éparses s’imposent, car elles vont aider le lecteur à mieux se figurer le cancer télévisuel que nous voulons éradiquer. De ce point de vue, notre seconde thèse n’est pas moins accablante que la première : nous affirmons que la télévision est la cause sous-jacente de quelques cancers généralisés, notamment les cancers du cerveau et de l’estomac (le cerveau car il se ramollit au contact de la télévision, l’estomac car il subit des aigreurs à cause des discours ultra-moraux de la télévision). Notons que mourir d’un cancer de l’estomac est une preuve d’intelligence : un estomac où les tumeurs ont métastasé prouve que le cancéreux n’en pouvait plus de ce qu’on lui donnait à voir ou à entendre. En revanche, un cancéreux du cerveau s’est enfoncé dans l’abrutissement ultime qui l’a conduit à une agonie abominable. Encore une fois, nous fondons notre propos sur des intuitions vives, car il n’est pas question de faire de tous les cancers de l’estomac et du cerveau des effets des nombreux contacts avec le poste de télévision. Revenons donc à la promesse de nos remarques désordonnées :

- Redevance télévisuelle : impôt religieux et organe d’asservissement. Le fait de payer cette taxe signifie en creux que la parole télévisuelle pourrait éventuellement être de qualité, ce qui est un raisonnement fallacieux.
- Séries télévisées : les seuls programmes qu’il faut sauvegarder car ils sont l’institution d’une base de l’esprit critique (sauf les séries françaises). Cependant, il ne faut plus les regarder à la télévision, mais les télécharger ou les acheter pour les voir sur ordinateur.
- La publicité fonctionne comme une grande base de revenus de la religion télévisuelle. La bonne parole du Premier Moteur favorise l’abâtardissement, ce qui oriente le téléspectateur vers une obéissance passive devant les publicités. Du reste, zapper provisoirement pendant une publicité, ce n’est pas quitter une religion, mais c’est donner une chance à une autre chaîne de rendre crédule un téléspectateur désireux de se convertir (souvent désireux d’une telle chose sans s’en apercevoir). Mais zapper pour revenir au programme interrompu, c’est la preuve ultime de sa croyance.
- Il va de soi que la rediffusion des émissions de télévision sur internet est un fléau. D’autre part, si l’on souhaite revoir sur le « web » une émission que l’on a déjà vue sur la télévision, c’est que l’on incube un cancer du cerveau très probable.
- Le « Zapping » est un « zapping » de croyances. Il est l’un des pires outils de propagande du monde audiovisuel.
- Les programmes du samedi soir sont régulièrement les plus religieux. C’est le samedi soir que la psychologie humaine est prête à se convertir. Les couples qui répètent les soirées télévision en fin de semaine devraient immédiatement divorcer ou jeter leur télévision par la fenêtre.
- La téléréalité est un sophisme. Elle est une « boîte à bac de théologie » qui ne cherche qu’à fidéliser des téléspectateurs tout en recrutant de temps à autre un prêtre vecteur de la banalité humaine. La téléréalité, ainsi, veut fonctionner comme une immense machinerie financière, mais elle n’est en définitive qu’un succédané de la psychologie des foules. Par contre, la téléréalité, à force de creuser toujours plus profond, risque d’augmenter le nombre de cancers de l’estomac, ce qui peut in fine accroître le coefficient de lucidité des croyants. Toutefois, les inconditionnels de la téléréalité vont sûrement mourir d’une attaque cérébrale car un cancer serait pour eux un trop long processus du simple point de vue pathologique – le cancer prend du temps pour se développer alors que l’attaque survient sans prévenir.
- Le doctorat de théologie audiovisuelle des nouveaux prêtres demeure flou dans ses UE (Unités d’Enseignement). Apparemment, on dirait que la religion télévisuelle se répand dans les Grandes Écoles, ce qui nous fournit un indice non négligeable sur les lieux que la sociologie doit de nouveau remettre en question. Pour le moment, il n’existe pas d’examen ritualisé comme le baccalauréat, certainement parce que les prêtres veulent garder le secret de leur intronisation finale.
- La télévision est un des pires lieux de discrimination physique. Le physique prime sur le cerveau, mais quelque part cela est logique dans la mesure où la répétition de la parole du Premier Moteur n’implique aucune capacité intellectuelle. L’effet pervers, c’est que l’absence d’utilisation de la masse cérébrale chez les fonctionnaires de l’audiovisuel les dispense d’un cancer foudroyant - nous entendons par là que leurs cerveaux ne sont pas même passifs, mais ils sont complètement confondus dans le Premier Moteur, sorte de protection mithridatisante pour l'ensemble du personnel télévisuel. Ceux qui partent d’un cancer sont bien souvent les hérétiques qui se cachaient ou qui résistaient devant toute cette médiocrité puante (saluons ainsi Alain Gillot-Pétré, Yves Mourousi et Patrick Roy, qui incarnaient les derniers reliquats de morale réelle dans le ventre du Premier Moteur, et plus spécifiquement dans le ventre de TF1). Naturellement, à partir d’un certain âge, la mort par cancer ne compte plus. Pour se prétendre hérétique, il faut contracter un cancer avant d’avoir atteint un certain âge – encore à déterminer dans notre étude.
- Les jeux télévisés sont un apprentissage de la cupidité et de l’abrutissement consenti de la raison humaine. Julien Lepers ne doit pas faire illusion car son jeu dépend moins d’une intelligence vive que d’une faculté d’avoir révisé ses classiques. Lepers met donc en exergue une majorité de candidats qui savent qui a écrit La Critique de la Faculté de Juger mais qui ne l’ont jamais lue, et ne la liront probablement jamais.
- Ce point sur la philosophie du jugement kantienne pour interroger la recrudescence de « philosophes » de métier à la télévision. Le fait que ces gens-là n’aient pas continué leur rôle de professeur (ou le continuent à côté), peut révéler deux choses : 1/ Qu’ils ont accepté de devenir des religieux car cela payait davantage qu’un salaire d’enseignant au lycée ou à la fac. 2/ Qu’ils continuent (pour ceux qui continuent) à enseigner afin de se prémunir d’un cancer. Mais ceux-là devraient faire attention : ce statut hybride du philosophe médiatique est, nous le pensons, la meilleure rampe de lancement pour un cancer de l’estomac ou de tout autre organe du système digestif.
- La présence d’animaux domestiques sur quelques plateaux de télévision sert d’outil d’identification avec les « bonnes familles crédules » des programmes du soir. Ces familles se retrouvent devant la télévision quasiment tous les samedis de l’année, cela est logique. Ces familles connaissent aussi les tenants et aboutissants de la chimiothérapie, ou alors elles les connaîtront bientôt.
- Les extrémistes qui se disent rebelles (électeurs du Front National ou du Front de Gauche) et qui se plaisent (surtout les premiers) à dénoncer un relatif « enjuivement » du milieu télévisé, sont la plupart du temps les meilleurs fidèles de la religion audiovisuelle. En effet, comme ils n’ont rien dans l’esprit, ils se mettent des références télévisuelles en tête afin de se construire des sujets de conversation.
- Le sport télévisé est un affreux piège de fidélisation. Nous conseillons les « streamings » de qualité pour lutter contre ce fléau.
- Ceux qui ne regardent pas la télé ou qui la regardent à dose homéopathique ont des chances de souffrir de dépression au travail, leurs collègues ne cessant pas de parler de ce qu’ils ont « vu à la TV ». Le pire de ce constat sociologique, c’est que ceux qui possèdent les places les plus attractives dans les entreprises sont rarement les plus ignorants en matière de culture télévisuelle, donc en matière de culture religieuse.
- Les autodafés sur tous les magazines religieux qui intensifient l’existence du Premier Moteur sont vivement conseillés. Le problème principal de ce type de magazine, c’est qu’il fonctionne comme une trace tangible de la religiosité dans le quotidien des consommateurs quand ceux-ci ne regardent pas la télé. En corollaire, les magasins de télévisions doivent être plastiqués.
- Un être humain qui ne sert strictement à rien, c’est un être humain qui travaille et qui pense, en se rassurant, qu’en rentrant il va pouvoir retrouver son programme favori. Ce phénomène, parmi les chômeurs, peut être la cause première de l’état de chômage.

Le lecteur a l’autorisation de continuer cette liste non exhaustive de remarques. Nous ne faisons qu’impulser un mouvement révolutionnaire d’ampleur non violente. La fin de la télévision fera revenir parmi le monde les génies d’hier, qui sont écrasés par cette religion pesante. Car nul génie ne se complaît plus d’une fois dans une émission de télévision. Dans le cas contraire, c’est que c’est un génie cupide, et la télévision devrait les surveiller car ce sont eux les premiers qui voudront organiser un attentat au sein de ce monde privé, mais paradoxalement hyper-public. Le génie cupide est un non-prêtre qui souhaite brûler les étapes.

Bien cordialement à vous,

Khalid Bouachiche, Konstantinos Deveureux.

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