mercredi 26 novembre 2008

Exposé de notre intention.


Bonsoir à tous. Nous sommes deux professeurs désabusés par le délitement des consciences. Nous pensons avoir suffisamment acquis d’expérience pour nous livrer ici à une relation de moins en moins en vogue, en l’occurrence la relation épistolaire. Pour vous le dire sans ambiguïté, nous avons été récemment démoralisés par le succès d’une autre relation épistolaire : celle de Michel Houellebecq et de Bernard-Henri Lévy. Le croisement de leurs pensées, car il faut sans doute les appeler ainsi, pose une question essentielle : faut-il être un personnage de notoriété publique pour que la moindre chose devienne potentiellement intéressante ? Nous ne le croyons pas dans la mesure où l’approbation générale est souvent le masque d’une opinion vide de sens. Certes ces deux individus sont régulièrement décriés, mais là n’est pas notre objectif que de nous livrer à l’exégèse de deux œuvres encore inachevées. Notre désir est moins prétentieux : délivrer au public une correspondance gratuite et sans concessions. Les sujets abordés essaieront d’être sulfureux. En effet, et ce malgré nos formations respectives, nous sommes conscients que des sujets tels que « L’anthropologie structurale à l’épreuve de la grammaire générative » ou encore « Les résidus de philosophie antique dans l’œuvre polymorphe de Robert Musil » n’ont pas grand-chose de passionnant hors les murs des Universités. D’ailleurs nous oeuvrons dans ce qu’on appelle les sciences molles, c'est-à-dire les sciences qui ne sont d’une certaine façon que très faiblement érectiles. A ce propos, nous ne connaissons que très peu de gens excités par les démonstrations de Kant. Dussions-nous ressentir un quelconque soubresaut dans une zone érogène du cerveau à la lecture d’une Critique de la raison pratique, il n’en reste pas moins qu’une telle manifestation ne saurait se comparer aux pratiques sexuelles telles que vous les vantez sans doute. La semoule empirique est le plus souvent suivie d’un apaisement tandis que celle des idées ne nous indique qu’une autre porte conceptuelle à enfoncer. Certes nous ne discréditerons pas totalement ces références d’un autre âge. Quelquefois il est jouissif d’en rappeler aux grands esprits de l’histoire, ne serait-ce que pour justifier notre statut professoral. Quelle serait sinon notre légitimité ? A l’instar des femmes qui désirent bénéficier d’une reconnaissance sociale douteuse, nous autres érudits désirons bénéficier des titres de noblesse qui nous reviennent. Nous en avons assez de ces milices normatives qui croient tout apaiser en restituant des équilibres fragiles. Osons la différence car il n’y a qu’elle qui sache comprendre l’intelligence vraie. Nous l’affirmons dans la perspective de l’émancipation féminine : n’est-ce pas meilleur pour une femme de l’être en vertu de sa différence ? Il n’y aurait rien de pire pour une femme exceptionnelle que d’être réduite à des comparaisons crasses ou des assimilations sophistiques. Bien des femmes se plaisent à revendiquer la pratique des grands auteurs littéraires, très peu sont celles qui joignent à cette pratique une activité qui les immunise de toute condescendance. En ce sens, la femme qui s’égare dans les situations de Dostoïevski est une femme qui s’est culturellement suicidée dans sa propre bulle. En espérant faire connaissance avec une de ces personnalités phalliques comparables à Ivan Karamazov, cette romantique potentielle ne ferait que se détourner du goût de la vie. Il lui faut plutôt construire son Ivan Karamazov à partir d’un homme dans lequel elle soupçonnerait des caractéristiques adéquates. Voyez donc, à la lumière de ces considérations disparates, la réalité de nos intentions. Nous voulons correspondre en guidant nos théories par des exemples, et ce quitte à faire usage d’exemples personnels dans lesquel nous regrettons par avance les futures identifications. Néanmoins, contre tout ce que l’on pourra nous objecter, nous rétorquons que nous ne sommes pas responsables de l’inconséquence de ceux qui n’ont pas encore aperçu en eux la nécessité d’assassiner l’abrutissement de l’esprit.
KB et KD.

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