jeudi 27 novembre 2008

L'amour du point de vue de l'immondice.


Cher monsieur Bouachiche,

Vos remarques sont raisonnablement recevables compte tenu du monde autiste dans lequel nous barbotons tels des canards attardés. Les relations amoureuses calomnient l’essence même d’une vie quand les deux amants s’entre-dévorent. La jalousie n’est de ce fait plus un défaut de la relation, elle devient chose commune, quotidienneté déplorable. Ce meurtre n’est que l’illustration du malaise général : parce que l’un des membres de ce grand corps utopique qu’on appelle le COUPLE a décidé de faire une sécession spirituelle, l’autre en ressent immédiatement le manque, incapable de revenir à la symétrie de la première union, du premier regard, bref tout à fait inhibé par un je-ne-sais-quoi de virtuellement discutable.
Je plains ces pauvres gens mais simultanément je n’ai pas envie de les aider à sortir de cette caverne puante. S’extraire de la caverne sans l’aide d’un penseur endimanché me semble de ce point de vue beaucoup plus valorisant. Ceux qui bénéficient ainsi de plusieurs aides à caractère ontologique ne sont, dans le fond, que les carcasses de ces voitures que de monstrueuses machines manipulent. Vous étiez proche de la vérité en parlant de matière fécale. Antonin Artaud ne tarissait pas d’éloges là-dessus lorsqu’il vociférait que l’être devait nécessairement causer l’odeur de la merde. L’homme est un enfant perpétuel qui se construit l’illusion d’une existence dépourvue de couches. Certains d’entre ces hommes méprisent les vieillard grabataires, pesants de décrépitude sur leurs chaises percées où s'écoule un fluide vital, mais que valent-ils vraiment, eux, dont les vies ne prennent sens qu’à la mesure géométrique du bonheur ? Cela vous paraîtra effrayant, et pourtant j’ai autrefois connu une étudiante, mademoiselle P., dont la seule parole se résumait à un type de jalousie aussi répréhensible que celle dont vous me faites part. C’était une pauvre femme qui faisait du bonheur des autres la condition du sien. Autrement dit elle était heureuse quand les autres ne l’étaient point. Nous avons rompu assez rapidement. Depuis j’ai appris qu’elle avait lamentablement échoué à des concours qui n’ont rien de compliqué. La rumeur populaire fait courir le bruit que j’aurais discrédité cette étudiante auprès des services universitaires du coin. Il n’en est rien. Ce n’est que son esprit malade qui l’a relevée par avance de ses fonctions.
A la vue de ces choses, rien ne vaut une vie où seuls quelques poèmes risquent de vous trahir. J’ai d’ailleurs récemment découvert que les femmes, lassées du symbole marital, avaient une propension à papillonner entre les sentiers de l’esprit. Beaucoup n’entendent rien au concept, en revanche nombreuses sont celles qui m’éclairent quant à la capacité d’exemplifier ce qu’Aristote appelle « puissance ». En ce sens ce ne sont pas des idées que j’accouche, ce sont plutôt des idéaux que je couche.

Spécifiquement vôtre,

K. Deveureux.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thank you for another excellent post. Keep rocking.