samedi 12 décembre 2009

Sans culture ni traditions.


Mon cher ami,

Je suis las de cette anorexie universitaire. Le désespoir est en moi et je ne vous cache pas mon impression d’hérésie cancéreuse lorsque je constate l'exploitation du savoir chez mes étudiants, la façon dont ils se servent de ce bagage. La dépression météorologique règne sur mon être. L'anticyclone ne peut qu'apparaître dans l'exil de mon pays. En effet, à la suite de faits politiques récents, je me suis reclus quelque temps dans une ville française que j'affectionne particulièrement. L'enseignement n'est donc plus ma priorité pour les jours à venir.

L'aptitude à s'isoler est importante dans la construction d'une réflexion saine. Une fois cette réflexion construite, on peut aisément passer l'épreuve de la diffusion et de la contestation qui en découle afin de s'ajuster au plus près de la réalité sociologique. Je vous avoue que mon rythme s'est affaibli. L'obscurantisme affiché de nos gouvernements m'a considérablement anéanti. Mais j'ai enfin compris un système qui fonctionne dans le monde entier. Quel est-il ? Il se résume à un seul concept émotionnel si basique qu'il en devient navrant : celui de la peur.
La peur a une compétence qui nous semble enviable parce qu’elle donne un semblant d'intérêt à notre vie monocorde. Il ne faut pas aller bien loin pour comprendre le succès des films d’épouvante au box office. La peur laisse entrevoir en nous une capacité de survivre dans un monde parfois hostile. Il est nécessaire que chaque civilisation « christallise » ses angoisses et ses doutes sur des mythes créés en ce sens.
La polémique du minaret en Suisse paraît être l'actualité qui révèle mon propos à son caractère véridique. Depuis quelque temps maintenant, et notamment avec le drame du 11 septembre, la peur se manifeste sous un jour nouveau. Elle devient un vecteur essentiel de pouvoir. George W. Bush Junior l'a parfaitement compris et utilisé en son temps de règne. Ceci est un fait avéré.
Je respecte Al Qaïda, certes pas pour son combat destructeur, mais par la capacité qu'ils ont eu à plonger le genre humain dans un cycle de peurs infinies dans le but de revendiquer la puissance d'une religion. Tout est désormais friable. L'Islam serait donc ce nouveau fléau invisible qui tue nos pères et enfante nos mères par le viol. Ainsi je m'étonne toujours de voir la population occidentale tomber dans un conservatisme extrémiste face à une difficulté. Comme si finalement l'identité nationale et la sécurité du pays étaient nos meilleures armes pour combattre les « grands méchants barbus ». Mais le petit chaperon bleu européen ne pense pas aux conséquences sur le long terme. Pourquoi avons-nous peur de l'Islam ? Pourquoi sommes-nous réfractaires à une religion qui s'éveille quand le monde a connu une domination chrétienne depuis si longtemps ? Le minaret, en soi, n'est pas dérangeant pour les politiques révisionnistes suisses, il est au contraire une perche pour à nouveau envisager de faire appliquer des valeurs prudes. La peur a la capacité sociologique de formater les hommes sur le principe de la brebis. Je regrette donc que les extrémistes islamistes ne soient pas plus fins dans leurs analyses car ils réamorcent la pompe du conservatisme sans en mesurer les effets. Il n’est donc pas si facile de porter une religion tout en haut de sa notoriété sans basculer fatalement dans un protectionnisme d'État absolu. Les différences ne sont en fin de compte pas si éloignées entre nature religieuse et principes étatiques. Je me pose donc la question de savoir comment l’on pourrait politiquement définir une identité nationale. Que pouvons-nous mettre dans ce concept si flottant ?

Un fait sociologique m'a interpellé durant mon « stand by » universitaire. En effet, j'ai observé en France le plan Vigipirate. Ce système qui permet le déploiement rapide d’une force policière et militaire dénote un comportement intéressant. La plupart des citoyens devraient se sentir en sécurité dès lors que la présence de petits hommes en vert ou en bleu est dense. Mais l'homme ne réagit pas ainsi. Si je remarque l'envahissement d'un territoire public de type métro ou gare par une milice gouvernementale, je ne peux m'empêcher de croire à une menace croissante. Et comme cette menace s’avère invisible dans la mesure où trop de communication médiatique est faite là-dessus, je ne peux que succomber à une peur démesurée derrière laquelle le système de raison n'a plus sa place. Je parle de communication médiatique et non d'explication méthodique car il est facile d'engendrer un grand nombre d'effets d'annonce sans pour autant donner du fond à l'information. Mais poussons le bouchon un peu plus loin.
J'ai mené parallèlement une étude comportementale sur la sortie des salles de cinéma ayant projeté un film d'horreur et sur la sortie de celles ayant projeté un film comique. Le principe de cette étude était de démontrer le niveau de croyance à un fait relativement plausible selon le film qu'on venait de voir. Les résultats furent édifiants.
La proportion des sujets susceptibles de croire à une histoire et ayant assisté à une séance de cinéma horrifique était grandement en surnombre en comparaison des sujets ayant vu un film comique. Plusieurs tendances sont ressorties de cette étude. En revanche, toutes montraient que la capacité à croire en une histoire était plus grande chez les sujets ayant été exposés à des images et des sensations de peur que ceux qui avaient été exposés aux sentiments de joie et de rire. On dispose donc d'une faculté de tomber dans le crétinisme dès lors que nos idées rationnelles sont soumises au système de la peur. Inversement, lorsque nous sommes davantage dans le domaine de la raison, nous avons une tendance naturelle à nous rattacher au moindre fait que l'on juge réel. Ceci nous reconduit ainsi au domaine du raisonnable et par conséquent au domaine du supportable.
Appliquons maintenant ce schéma à notre fait d'actualité. Les attentats perpétrés par notre ami Oussama B.L. sont donc perçus par les masses écervelées comme le film La nuit des morts-vivants. Depuis plus de huit années, les brebis galeuses sont nourries d’une peur irascible de l'homme brun à barbe, gobant allégrement cette histoire ridicule selon laquelle ces mêmes hommes au poil un peu hirsute seraient des fanatiques qui cherchent à voiler leurs femmes, à construire des monuments phalliques qui montreraient leur puissance sexuelle de religion et qui, par-dessus le marché, se feraient sauter la gueule dès qu'on leur promettrait 400 vierges. Finalement toute cette polémique n'est qu'une affaire de taille pénienne. Les catholiques se rendent compte que leur protubérance sexuelle est bien moins grande que celle des musulmans.
Je reprendrai pour finir mon acharnement une réflexion de madame la Ministre Christine B. qui dit :

« La France n’est pas une terre d’Islam, nous devons montrer que la France n’est pas un pays sans culture ni traditions »

La bêtise de cette phrase relève purement du génie. Elle se suffit à elle-même quand on s'intéresse un tant soit peu à l'histoire contemporaine de ce pays. Je vous dédie donc ce courrier, madame Christine B. du parti Chrétien-Démocrate; votre génie m'honore, moi, petit sociologue sans culture, ni traditions...

Rageusement,

Khalid B.

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