lundi 25 octobre 2010

Stèle à Georges Frêche.


Maintenant déterritorialisé de sa région et plus généralement de la maison de l’être, Georges Frêche rassure les poules frigides du Parti Socialiste. Hélène Mandroux publiera ce mercredi ses gloussements politiques, précédés d’un commentaire composé de Martine Aubry, prémisses misérables d’un syllogisme de l’amertume. D’un côté restera la statue active qui savait parler, de l’autre la perpétuité d’une parole qui engloutit le moindre indice d’agir. Les obsèques du Roy mettront en scène la passivité normalisée des socialistes, ces éléphants qui se regrouperont au cimetière de leur contradicteur formel afin d’essayer de faire exister leur propre trépassement. Le PS a ceci de spécifique que c’est un parti qui ressuscite pour chaque fois décéder encore. Le guano aqueux du Phénix a vaincu l’incandescence du retour : l’oiseau s’est fait plomber et Georges Frêche est accusé d’avoir tiré un coup de carabine.

L’homme nous plaisait parce que l’homme était plaisant. Même dans la rigidité cadavérique il continue d’exercer une séquence causale puisque les socialistes, ex-sympathisants, veulent depuis hier prendre du recul. Autrement dit Frêche attire la compassion tout en suscitant la crainte. Le discours politique se réforme de lui-même, preuve que la cabale organisée que subissait Frêche n’était rien d’autre qu’un jeu de politique, un jeu de langage propre à satisfaire l’homo ludens. Les « dérapages » de Frêche engendraient les grandes indignations trop médiatisées pour être sincères. Nul n’avait cru utile de raffiner sa critique en subodorant que les « sous-hommes » pouvaient l’être selon un angle nietzschéen – on aurait tellement apprécié que Frêche fût contredit de la sorte, ne serait-ce que pour donner une raison de rendre l’objection politique intéressante. En sautant à la gorge de Frêche, le PS voulait davantage se mettre en évidence que sauver la face des Harkis. C’est que le PS a été éloquent dans sa manière de faire équivaloir les propriétés de l’éléphant et celles du mouton. La trompe impuissante bêlait sa colère. Puis le mouton se noircissait en grisonnant. Ne nous manque plus que le « chien blanc » de Romain Gary pour venir mordre ces chevilles. Ce mercredi, à Montpellier, nous prions donc un audacieux trouble fête de lâcher parmi les vestes noires du PS un bichon enragé. On se délecterait d’une Martine Aubry bondissante (enfin !) parce que poursuivie par un bichon belliciste. En aparté, Ségolène Royal préparerait une action brave…

En tout cas, Frêche a fait de Montpellier un Saint Empire extensible. Comme un fait exprès, s’ouvre aujourd’hui le tournoi Open Sud de France, qui doit énormément à la contribution impartiale du « baron ». L’intensité tennistique condense l’œuvre urbaine de Georges Frêche : il avait su prendre la balle politique au sommet du rebond pour étouffer son adversaire en fond de court. Frêche montait au filet, coupait en revers un passing mou, laissant sur le carreau les éléphants amorphes qui frappent en reculant – gros défaut du tennis quand on débute. La métaphysique nous enseigne que les « particuliers amorphes », à trop vouloir faire l’économie de propriétés et de relations postulées et/ou réfléchies, manquent abominablement de structure. Aubry, Royal, Fabius, Hamon, ce ne sont que des particuliers amorphes, déstructurés, sans relations apparentes entre eux, y compris les relations les plus élémentaires. Eux aussi ne faisaient que réagir à Georges Frêche dans la mesure où ce dernier produisait l’énergie nécessaire à toutes les réactions qu’il avait probablement anticipées. Or dès qu’on parle de nécessité, on se permet de dire que ce qui est nécessairement vrai l’est dans tous les mondes possibles. Ainsi, même dans le monde sur-naturel et hyper-physique de la mort, Georges Frêche subsiste en tant que force vive. Le lecteur verra mercredi des opportunités de ruminer cette métaphysique martelée.


K. Bouachiche, K. Deveureux.

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