samedi 16 juillet 2011

Métaldéhyde et crustacés.




Mon cher collègue,

L’utopie nous a quittés. Depuis peu, on assiste au grandiose spectacle du non-renouvellement des pensées. Nous avons exploré beaucoup de pistes et celles que vous avez évoquées sur ces réseaux qui comptent montrent une fois de plus la situation d’étouffement sociologique à laquelle nous ne pouvons échapper. Une génération acide est en train de pousser tel un champignon du Diable, lui-même aidé par les pluies toxiques du déni de raisonnement. Qu’est-ce que j’entends par cette expression ? Sigmund F. a défini le déni comme la non-considération partielle ou totale du sens de la réalité. Pour ma part, c’est un phénomène différent qui régit à l’heure actuelle la jeune génération. La seule expression présente dans la bouche de nos ados est « sans prise de tête ». On milite donc pour un anéantissement du cerveau. On souhaite hardiment devenir des cyborgs de l’intelligence. Il s’agit d’un gimmick intéressant qui se retrouve chez une partie des trentenaires désabusés qui refusent de se confronter à des problèmes d’ordre sociétal en revendiquant un bonheur idéal et préfabriqué que les industries pharmaceutiques d’antidépresseurs dépeignent sans scrupules. Il est bien là, le refus de conscience, l’absence de prendre des décisions, l’abnégation d’être responsable dans une société qu’on conteste mais à laquelle on ne veut surtout pas reconnaître une part d’engagement. Ainsi, on vit dans un environnement aseptisé de tout sentiment humain et réel. On se plonge dans une maison percluse de 72 caméras, et à l’image de ce landau ou Nautile que cet artiste belge a promené dans son village natal, on cherche à garder près de soi toute la collection de ses valeurs. Ce ramassis de vieilles attitudes pourraves forme ainsi une coquille, se révélant être un formidable rempart à toutes les vicissitudes du monde. Patrick Van Caeckenberg exprime donc de façon véritable l’hégémonie de la vie gastéropodique. Ainsi, la solitude des valeurs devient mobile ou mouvante, et on se retrouve avec des milliards d’atomes humains qui, s’asphyxiant dans le paradoxe protectionniste de leurs coquilles, cherchent en vain à établir du lien. Néanmoins, la fabrication calcaire de ces coquilles n’est que le début d’un long processus d’isolation.

Une fois notre collection privée de valeurs établies, on effectue aussi souvent que possible des simulacres de retraite spirituelle au sein de notre cuirassé calcaire, nous permettant de fuir une quelconque responsabilité démocratique ou citoyenne au moment venu et nous targuant d’une incompatibilité de valeurs.
On se cache derrière un semblant de lieux communs qui nous permettent de noyer le cœur du problème. Ainsi le gimmick revient et on entend un cinglant « moi, je ne veux pas me prendre la tête ». On peut interpréter ce slogan publicitaire comme une volonté de déraisonner, de régresser à une responsabilité enfantine, de se rendre aveugle de la réflexion. Je ne parle pas d’une certaine superficialité de l’humanité, non point du tout, car pour moi chaque être possède une véritable complexité qu’il est difficile de mettre en exergue. Je parle ici d’un véritable soubassement de la pensée. On enfouit ses ressentis pour les métamorphoser en structure calcaire.
Je ne parle pas non plus des théories de notre ami Freud puisque tout cela reste conscient. Ceci explique pourquoi tant de jeunes décident de suivre la voie que leur imposent parents et milieu social, générant ainsi une parfaite absence inconsidérée du facteur risque. Ce qui justifie également que de nombreuses personnes souhaitent en secret se révéler autrement dans une image numérique. L’image numérique est une coquille facile à créer et à gérer. Elle est plus dure également dans son enveloppe. Sur le numérique, on peut mentir sur soi tout en gardant une certaine forme de vérité. Et il n’est pas étonnant d’entendre ces starlettes de téléréalité vouloir faire du cinéma plutôt que du théâtre au sortir de leur néant médiatique. Le théâtre est synonyme de lâcher prise tandis que sur un plateau de tournage, l’investissement dans le rôle s’effectue par moments intermédiaires. La prise de risque est donc mesurée et contrôlée.

Dans un deuxième temps, je définirais la coquille protectrice comme un apanage calcaire. Vous parliez de libertinage intellectuel, je parlerai de tolérance héréditaire. En effet, on croit choisir son mode de pensée, mais en réalité nous n’héritons que d’un fief de valeurs transmises par nos parents tel que je l’ai déjà évoqué en parlant de « pédophilie mentale ». Nous sommes donc en présence d’une génération qui refuse de s’immerger dans un travail d’engagement de la pensée. Cette génération est également porteuse d’un système d’héritage rondement mené qui facilite davantage le gimmick de nos jeunes adolescents. Mais cela devient dangereux dès lors que ce substrat de génétique calcifié se revendique comme personnalité ou identité sociale. C’est d’autant plus nocif dans la mesure où elles (personnalité et identité sociales virtualisées) deviennent des revendications militantes, lesquelles ne peuvent entrer dans un mode de reproduction où les pensées se renforcent par l’entremise des expériences.
L’expérience et/ou l’accident de vie sont bel et bien les seuls moyens de mettre à mal ces bulles calcaires de préjugés. Néanmoins, au lieu de provoquer de petites fissures d’ouverture, l’accident de vie ne fera que générer de nouvelles calcifications, celles-ci différentes des précédentes, certes, mais en totale solitude et hors de toute solidarité. On nous fait accroire au concept fabuleux du métissage mais celui-ci n’existe pas dans sa forme véritable. Le mélange des valeurs, aujourd’hui, ne se résume qu’à un catalogue où se côtoient uniquement des valeurs différenciées. Et bien souvent le facteur temps provoque une soumission d’une de ces cultures étant donné que nous vivons selon le principe des valeurs dominantes.
Nous sommes donc dans une impasse. Un monde qui s’ouvre encore et encore, et paradoxalement une schizophrénie naissante à vouloir participer à cette ouverture tout en vivant caché derrière sa coquille héréditaire.

Métaldéhydement vôtre,

K.B

2 commentaires:

san mic a dit…

très bon texte qui rejoint beaucoup de mes reflexions. Pour un point de vue surprenant je vous suggère une lecture particulière qui saura peut-être vous rejoindre.
amicalement

http://www.psycho-chamanisme.com/doc/histoirechamanique.pdf

Messieurs Bouachiche / Deveureux. a dit…

Cher monsieur,

Nous vous remercions de ce commentaire qui nous conforte dans notre chemin de pensée insulaire, et nous vous saurions gré de diffuser autant que possible la philosophie qui est la nôtre. Nous en profitons pour vous dire que nous avons récemment rencontré des problèmes qui nous empêchent de publier correctement des réponses sur les "blogs" annexes. Nous voulions donc vous signifier que votre travail sur Michael Jackson était d'une grande pertinence. Nous allons nous pencher sur la référence que vous nous soumettez et en tirer les conclusions qui s'imposeront.

Cordiales salutations,

Khalid Bouachiche, Konstantinos Deveureux.