
Très savant Bouachiche,
Qui ne saurait voir dans votre lumière la clarté de la raison ne ferait qu’un aveu d’obscurantisme. Vous avez prodigieusement analysé le principe des actions maternelles comme étant reliées à des intentions religieuses. La mère dresse la progéniture pour lui faire sauter des obstacles, ce qui n’est pas différent du dompteur qui fait le spectacle dans les cirques de campagne (et des moines copistes qui empilent des préceptes). Les actions, apparentées à des intentions dogmatiques, ne connaissent pas l’alternative de l’imprévu. En d’autres termes, les enfants subissent souvent un élevage qui les confine à la sphère d’une intimité repliée sur elle-même, obstruant de ce fait les réalités robustes de la vie. Une intimité se discute autour de la question « Que m’est-il permis de faire ? ». Je voudrais rétablir cette question à la mesure de votre propos : qu’est-il permis de faire quand tout doit se faire ? J’insiste sur cette notion du devoir dont les volontés viennent d’en haut. La vraie présence du Bien est galvaudée par ce tiers hégémonique qui s’imagine nous définir quel est ce Bien que chacun devrait pourtant se décrire à lui-même avant de se le faire édicter. Un impératif catégorique vaut pour le sujet qui se le manifeste. A la suite de quoi, l’universalisation de l’action n’a pas besoin d’être concrète dans la mesure où l’action est universalisable de jure mais non de facto. Que m’importe alors de savoir si mon voisin entretient des rapports étranges avec ses animaux du moment que je constate que mon caniche est sociable en présence d’invités ? Qu’est-il besoin de me montrer que des individus sont dangereux alors même que, quand je les vois, ils ne sont pas dangereux ? En ce sens, la stigmatisation est mère d’intimité puisque mes repères intimes sont autant de stigmatisations qui brouillent mon contact avec l’extériorité. Je le dis encore autrement : ne devraient être intimes que les actions dont nous savons qu’elles n’apporteront pas de nouveauté sur le monde (rapports sexuels, discussions frivoles, disputes d’amoureux). C'est-à-dire que toutes les convictions ne relèvent pas de l’intimité, du moins dans l’idéal. Ce ne sont que des opinions malades qui demandent à entrer dans l’espace public pour être soignées. La vérité est synonyme d’une discussion qui se départage les vraisemblances. Par conséquent celui qui commencera pas dire « Je sais que j’ai raison » est celui qui ne possède pas les aptitudes à la vie socio-discursive. Je soupçonne un tel individu d’avoir vécu longtemps chez ses parents et d’avoir bénéficié de la longue vie de ses grands-parents. Car on a beau jeu d’être attentif à la mamma : il y a aussi la grand mamma.
Voyez que la psychanalyse est une science dépassée. Il m’a toujours semblé que l’assassinat symbolique du père ne faisait que colporter les infections sous-jacentes de la féminisation des esprits. Le mieux serait d’assassiner le père et la mère et, si possible, les grands-parents. Un adolescent de Ken Park réussit cette prouesse à moitié : il poignarde ses grands-parents après (ou avant) s’être masturbé en écoutant les gémissements caractéristiques du tennis féminin. Il a parfaitement distingué l’intimité de la vie sociale : l’onanisme continue d’être par définition une pratique autogérée (elle n’apporterait de surcroît rien de plus aux connaissances publiques) tandis que la vie sociale se trouve améliorée par l’éviction de certains êtres. Ici le meurtre est évidemment une radicalité. Néanmoins, il est tout à fait possible de faire le pari de l’indépendance en refusant de copier les discours familiaux, c'est-à-dire en refusant de compléter l’album de photos de famille selon les mêmes angles et les mêmes paysages, et aussi en refusant le concept hypocrite de caveau familial. Des personnes mal renseignées se disent que les disputes cessent dans la mort ; je les trouve très condescendantes de vouloir trouver la pacification ailleurs que dans le monde car elles s’imaginent un peu vite que leur influence aura de quoi perdurer au royaume des cadavres et, qui plus est, que cette influence sera pardonnée par les spécificités de l’Hadès. Au contraire devraient-elles faire l’effort de soigner leur âme avant que celle-ci ne soit punie dans l’Hadès. Il n’y a rien de pire qu’agir mal en connaissance de cause et que refuser d’être réorienté à cet effet (ce en quoi la prison est incompétente car elle se préoccupe davantage de réorganiser le déplacement des corps que celui des esprits). Ainsi est la mamma par rapport à sa progéniture : elle peut aller jusqu’à enseigner que le médecin sera moins compétent qu’elle si la progéniture venait à souffrir d’un mal singulier. Or je n’ai pour le moment pas encore constaté de guérisons subites quand les cancers avaient déjà portes ouvertes sur les vivres. Même les Amish ont dû se plier à la compétence, et ce n’est pas étonnant qu’ils aient développé des cancers.
L’objection pourrait être la suivante : réorienter l’âme, n’est-ce pas substituer une religion à une autre ? Non à partir du moment où la réorientation ne se fait pas sur la base de croyances. En privilégiant les connaissances, on accentue la clarté d’une cartographie du monde, ce qui ne peut qu’alimenter le désir de découvrir. Il peut être douloureux de découvrir que l’on a eu tort, toutefois il en émane presque toujours un bonheur synonyme de libération. Or c’est justement parce que c’est d’abord douloureux que beaucoup préfèrent conserver le plaisir intime de la croyance car ils redoutent comme la peste l’effort de la connaissance. Elle va mourir la mamma, c’est déjà une évidence qu’une majorité n’assimile pas. Et ce sont curieusement les mêmes personnes qui vont fleurir le caveau familial.
Allocentriquement vôtre,
K. Deveureux
Qui ne saurait voir dans votre lumière la clarté de la raison ne ferait qu’un aveu d’obscurantisme. Vous avez prodigieusement analysé le principe des actions maternelles comme étant reliées à des intentions religieuses. La mère dresse la progéniture pour lui faire sauter des obstacles, ce qui n’est pas différent du dompteur qui fait le spectacle dans les cirques de campagne (et des moines copistes qui empilent des préceptes). Les actions, apparentées à des intentions dogmatiques, ne connaissent pas l’alternative de l’imprévu. En d’autres termes, les enfants subissent souvent un élevage qui les confine à la sphère d’une intimité repliée sur elle-même, obstruant de ce fait les réalités robustes de la vie. Une intimité se discute autour de la question « Que m’est-il permis de faire ? ». Je voudrais rétablir cette question à la mesure de votre propos : qu’est-il permis de faire quand tout doit se faire ? J’insiste sur cette notion du devoir dont les volontés viennent d’en haut. La vraie présence du Bien est galvaudée par ce tiers hégémonique qui s’imagine nous définir quel est ce Bien que chacun devrait pourtant se décrire à lui-même avant de se le faire édicter. Un impératif catégorique vaut pour le sujet qui se le manifeste. A la suite de quoi, l’universalisation de l’action n’a pas besoin d’être concrète dans la mesure où l’action est universalisable de jure mais non de facto. Que m’importe alors de savoir si mon voisin entretient des rapports étranges avec ses animaux du moment que je constate que mon caniche est sociable en présence d’invités ? Qu’est-il besoin de me montrer que des individus sont dangereux alors même que, quand je les vois, ils ne sont pas dangereux ? En ce sens, la stigmatisation est mère d’intimité puisque mes repères intimes sont autant de stigmatisations qui brouillent mon contact avec l’extériorité. Je le dis encore autrement : ne devraient être intimes que les actions dont nous savons qu’elles n’apporteront pas de nouveauté sur le monde (rapports sexuels, discussions frivoles, disputes d’amoureux). C'est-à-dire que toutes les convictions ne relèvent pas de l’intimité, du moins dans l’idéal. Ce ne sont que des opinions malades qui demandent à entrer dans l’espace public pour être soignées. La vérité est synonyme d’une discussion qui se départage les vraisemblances. Par conséquent celui qui commencera pas dire « Je sais que j’ai raison » est celui qui ne possède pas les aptitudes à la vie socio-discursive. Je soupçonne un tel individu d’avoir vécu longtemps chez ses parents et d’avoir bénéficié de la longue vie de ses grands-parents. Car on a beau jeu d’être attentif à la mamma : il y a aussi la grand mamma.
Voyez que la psychanalyse est une science dépassée. Il m’a toujours semblé que l’assassinat symbolique du père ne faisait que colporter les infections sous-jacentes de la féminisation des esprits. Le mieux serait d’assassiner le père et la mère et, si possible, les grands-parents. Un adolescent de Ken Park réussit cette prouesse à moitié : il poignarde ses grands-parents après (ou avant) s’être masturbé en écoutant les gémissements caractéristiques du tennis féminin. Il a parfaitement distingué l’intimité de la vie sociale : l’onanisme continue d’être par définition une pratique autogérée (elle n’apporterait de surcroît rien de plus aux connaissances publiques) tandis que la vie sociale se trouve améliorée par l’éviction de certains êtres. Ici le meurtre est évidemment une radicalité. Néanmoins, il est tout à fait possible de faire le pari de l’indépendance en refusant de copier les discours familiaux, c'est-à-dire en refusant de compléter l’album de photos de famille selon les mêmes angles et les mêmes paysages, et aussi en refusant le concept hypocrite de caveau familial. Des personnes mal renseignées se disent que les disputes cessent dans la mort ; je les trouve très condescendantes de vouloir trouver la pacification ailleurs que dans le monde car elles s’imaginent un peu vite que leur influence aura de quoi perdurer au royaume des cadavres et, qui plus est, que cette influence sera pardonnée par les spécificités de l’Hadès. Au contraire devraient-elles faire l’effort de soigner leur âme avant que celle-ci ne soit punie dans l’Hadès. Il n’y a rien de pire qu’agir mal en connaissance de cause et que refuser d’être réorienté à cet effet (ce en quoi la prison est incompétente car elle se préoccupe davantage de réorganiser le déplacement des corps que celui des esprits). Ainsi est la mamma par rapport à sa progéniture : elle peut aller jusqu’à enseigner que le médecin sera moins compétent qu’elle si la progéniture venait à souffrir d’un mal singulier. Or je n’ai pour le moment pas encore constaté de guérisons subites quand les cancers avaient déjà portes ouvertes sur les vivres. Même les Amish ont dû se plier à la compétence, et ce n’est pas étonnant qu’ils aient développé des cancers.
L’objection pourrait être la suivante : réorienter l’âme, n’est-ce pas substituer une religion à une autre ? Non à partir du moment où la réorientation ne se fait pas sur la base de croyances. En privilégiant les connaissances, on accentue la clarté d’une cartographie du monde, ce qui ne peut qu’alimenter le désir de découvrir. Il peut être douloureux de découvrir que l’on a eu tort, toutefois il en émane presque toujours un bonheur synonyme de libération. Or c’est justement parce que c’est d’abord douloureux que beaucoup préfèrent conserver le plaisir intime de la croyance car ils redoutent comme la peste l’effort de la connaissance. Elle va mourir la mamma, c’est déjà une évidence qu’une majorité n’assimile pas. Et ce sont curieusement les mêmes personnes qui vont fleurir le caveau familial.
Allocentriquement vôtre,
K. Deveureux