jeudi 17 septembre 2009

Un mot de M. Deveureux.


Ces récentes semaines, outre les différents aspects coercitifs qui sont inhérents à l’Université en son ensemble, il a fallu que je m’absente au chevet d’un collègue canadien souffrant et qui vient malheureusement de quitter ce monde. Il n’a pas perdu au change dans la mesure où la mort constitue selon lui la faculté de partir habiter dans la surprise. Nous avons longuement conversé sur le sujet, ce qui nous a donné l’occasion de restituer les thèses de mon autre collègue le professeur Khalid Bouachiche, lequel malheureusement n’a pas pu se rendre à Montréal pendant l’agonie de notre buddy. Heureusement que le temps de la nature était clément pendant que lui était en train de mettre un point final à la forme a piori de la sensibilité. Curieusement, nous avons redéfini L’Esthetique kantienne comme une approche pragmatique. Qu’est-ce que penser le temps quand celui-ci se retourne contre vous alors qu’il vous apparaissait jusqu’à présent comme une sorte de propriété intrinsèque ? Nous avons suggéré que L’esthétique de Kant, de ce point de vue, était un discours pour un monde composé de trois dimensions, ce qui au passage n’est pas le scoop du siècle. Aussi, lorsque la mort se fait imminente, le temps devient une catégorie épistémologique qui nous donne l’occasion d’attribuer une signification à notre existence (dans le meilleur des cas; il y a toujours des vieillards débiles pour s’affranchir des véritables questions morales alors que les familles souffrent de les voir empeser le quotidien d’une présence improductive). Par ailleurs, toute la question est de savoir ce qui va rester du concept kantien une fois franchi les rivières tourmentées de la Géhenne. Ici, nous avons conclu à l’incompatibilité d’un concept qui ne se propose jamais d’habiter un autre monde possible, en l’occurrence celui de la mort. Etendre le concept ne servirait qu’à l’obscurcir, aussi nous avons préféré discuter d’une forme a posteriori de la sensibilité.

Dire qu’il faille être mort pour élaborer un tel concept serait une erreur. Il faut donc profiter du moment où l’on sait la mort venir pour se poser (ou se reposer) la question du temps. La littérature philosophique est manquante à ce titre. Sans doute la question est-elle trop littéraire. Pourtant la conception souhaitable du temps a posteriori me semble être une piste pour consacrer les commentaires de Didier Anzieu à propos du Moi-Peau. La mort approchant me paraît alors incorporer les concepts, justifiant mon idée qu’une ontologie de la mort est avant toute chose un précis de situation du corps en plein examen de conscience. Je conclus vite en précisant qu’une idée de la mort imminente est un encouragement à mettre son corps dans la disposition de disparaître et, ce faisant, de profiter de ce moment privilégié pour réorganiser sa pensée en réfléchissant par exemple à la re-présentation du temps. Si Socrate a voulu offrir un coq à Esculape, je crois que Merleau-Ponty a posé un lapin à Descartes.








Aucun commentaire: