mercredi 11 février 2009

Energie et effet de masse.


My big family K,

Le regard que vous portez sur l'étrangeté du paradoxe « pleurer de rire » m'émeut au plus haut point. Je suis ravi de voir que vous tentez un parallèle avec le cinéma et la comédie grotesque et populariste. Attention cher ami, je fais une distinction profonde entre les deux notions suivantes : populaire et populariste. Evidemment je condamne tout propos politique populariste qui implique un désengagement total de l'auteur au profit du contentement du peuple. Il s'agit là d'un concept venteux qui produit un effet pervers non négligeable. J'explicite.
Le danger prépondérant des sociétés modernes, c’est la déresponsabilisation citoyenne associée à une politique beuglarde uniquement centrée (ou du moins c'est ce qu'elle veut nous faire croire) sur le désir, non individuel mais collectif, d'une masse informe et inculte que nous appelons « peuple ». Le phénomène de foule est fort intéressant. Il est indéniable que le regroupement d'individus renonce à la conscience et à l'intelligence du particulier. Pourquoi réfléchir puisque le groupe a pris cette responsabilité pour moi ? Je me défausse donc de toute responsabilité sur la mouvance d'un ensemble de gens et, pire encore, j'ai une excuse universelle en cas de problème.
Hier, lors de ma promenade quotidienne dans les rues de Gabès, une voiture s'arrête, la vitre se baisse, une main se tend et d'un geste dédaigneux, elle laisse tomber un bout de ferraille écrasée qui contenait, il y a peu, un liquide rafraîchissant. Cet égoïsme est frappant. Pourquoi se soucier de l'avenir tragique de la planète puisque d'autres le font pour moi ? Le « on » devient une facilité d'utilisation déconcertante quant à la dépénalisation de l'égoïsme. On retrouve ce phénomène honteux avec la politique. La populace, française en particulier, agit de même avec son environnement sociopolitique. « Je râle comme un benêt » car le gouvernement que j'ai moi-même élu n'est pas capable de résoudre mes petites préoccupations individuelles. Moi, Khalid Bouachiche, je pouffe de rire et je manque même de m'étouffer. Quand est-ce que le peuple se responsabilisera et se prendra en charge ? Il est trop facile de rejeter sans cesse la faute sur un groupe-tiers sans avoir un soupçon de jugeote pour remuer son propre arrière-train. Je pense que je dois être le seul dans ce cas de figure à tenir un tel raisonnement, à savoir qu'une politique de l’action, quel que soit son bord, ne peut être détachée du regard des gens qui l'ont composée ou tout du moins élue, et nous revenons sur l'éternelle question de la responsabilité de ses actes mais aussi de ses choix.
Quant au terme « populaire », il désigne pour moi tout le contraire. Il induit une culture trop souvent amalgamée au mauvais goût par des élites sans envergure. La classe populaire est, je vous l'accorde, peu élevée culturellement, néanmoins elle a le mérite de pallier par des coutumes sociétaires les grognements syndicaux qui bien souvent reprennent à leur compte le malaise des « petites gens ». Je m'explique à nouveau.
Les comportements sociaux autogérés par des croyances populaires évoluant sans cesse ont une capacité d'auto-absorption et d'autosatisfaction, quasi immédiate, du désir et du confort individuels, le tout au profit du groupe. Ce qui permet une régulation automatique des flux de tensions socio-ethniques. Cela est évident puisque ces populations populaires savent se contenter du strict nécessaire pour une vie paisible et agréable. Cette sagesse ne s'obtient que par l'écoute attentive des coutumes anciennes. Mais attention, ces anciennes moeurs ne sont pas restées statiques, elles ont su évoluer avec le temps et c'est seulement ces coutumes là qu'il faut écouter pour éviter le danger du basculement passéiste. Tout cela pour exprimer, et je pense que vous y reviendrez peut-être avec les fondements de la société grecque, un ras-le-bol généralisé de ces générations d'assistés, incapables de se renouveler elles-mêmes et qui plongent l'humanité dans une terrible torpeur...

Scandaleusement vôtre,

K.B

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