vendredi 6 février 2009

La sudation du rire.


Mon tendre ami K,

Votre raisonnement sur la corrélation du rire et des animaux chez Disney est prodigieusement édifiant et même remarquable. Je dois dire que cette faculté buccale d'émettre un son est une source d'auto bien-être à ne pas négliger. Le rire médical existe depuis longtemps. Ses bienfaits sur le corps et l'esprit ne sont plus à prouver… Un de mes étudiants, peu brillant je dois le dire, mais faisant preuve d'une époustouflante originalité dans le mauvais sens du terme, m'avait proposé un mémoire de sociologie sur la métaphysique du rire. Il avait suivi pendant de longs mois les équipes de bénévoles de l'association des « blouses clowns » qui se propose de distraire les enfants en phase terminale. Pour ma part, le véritable intérêt réside dans la corruption sociale du rire. Je m'explique cher ami.
Le rire a cette faculté exceptionnelle de relâcher le sphincter, permettant ainsi une évaporation ou une « transpiration des attitudes sociales ». On apprend beaucoup du rire d'un individu. On peut juger de sa faculté d'adaptation socio-éthnique et dresser en quelques minutes un portrait fidèle de sa position sociale et politique.
L'étude dirigée par mes soins fut vite orientée vers une analyse psychosomatique du rire. On a établi, mon élève et moi, un panoptique du rire. Il est évident que cette thèse fut axée sur celle développée par notre regretté ami, monsieur F., les champs d'étude étant tout de même différents. Ainsi, chaque expression gutturale fut répertoriée, classée et analysée. Mes premières remarques concernaient la tendance séparatiste du rire. Une division, tout comme celle de l'Etat et de l'Eglise, entre le rire corporel et le rire psychique. La plus parfaite illustration entre ces deux fonctions distinctes est cette formidable scène dans Mary Poppins (jouée par une Julie Andrews des plus sensuelle et douce) où nous découvrons l'oncle perché au plafond en train de s'esclaffer... S'ensuit alors une démonstration spirituelle du rire, avec cet étalage de pouffements, de toussotements et autres formes viscérales et sociopolitiques du rire. A contrario, l'oncle qui se dilate la rate et le sphincter à ne plus pouvoir tenir sur terre est la métaphore parfaite du rire physiologique. Il s'agit même d'une transcendance de celui-ci puisqu'il défie les lois de l'apesanteur. On note des castes du rire qui peuvent se hiérarchiser de la façon suivante :

1) « Le rire étouffé » : Montre une certaine éducation aristocratique dont l'expression même d'un élan de relâchement est considérée comme péché mortel.
2) « Le rire hurlant sans son » : Exprime une véritable volonté d'exister au-dessus de sa condition sociale.
3) « Le rire hurlant » : Désigne au contraire une propension vulgaire à l'exhibition. « Regardez-moi, je ris, je suis heureux de façon ostentatoire ». Dans la réalité, l'effet produit est inversé. Plus un homme se tord de rire, plus on sait qu'il cache une profonde envie de suicide.

Je vous dresse seulement les trois principales catégories, elles nécessitent un développement dont le temps me manque pour vous en faire état.
Néanmoins, le « fou rire », non traité par cet élève, m'apparaît comme l'unique intéressement possible quant à cette étude. En effet il présente un abandon total de la raison... Je vous laisse sur cette toute petite méditation.

Cordialement,

K.B

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