vendredi 30 janvier 2009

Disney ta mère (chanson du groupe Gangs of Kinshasa).


Mon cher K,

Votre courrier me semble bâti sur de profondes convictions que je partage en tout point avec vous. Néanmoins j'ajouterai une nuance sociologique au comportement de mademoiselle P. Pourquoi nier son corps et son esprit par la non-masturbastion ? Quel contexte sociopolitique peut expliciter ce manque de clairvoyance ? Mon cher confrère vous nous donnez, bien sûr, quelques pistes avec la figure de la marâtre au sens premier des contes de fées. Ce qui m'amène particulièrement à parler de ce phénomène étrange que l'on croise chez les jeunes générations : « le complexe Disney ». La nouvelle génération, celle arborant une trentaine florissante, m'interpelle beaucoup en ce moment, par cette inadaptation sociale dont elle fait preuve. Beaucoup de sociologues ont remarqué l'âge tardif auquel les enfants de soixante-huitards se libèrent du cordon ombilical tenace de leurs parents. Ce fait s'explique par deux vecteurs essentiels à mon sens.
Le premier est la libération sexuelle des années 70 qui immanquablement a provoqué la rupture de la cellule familiale. Par pitié n'arborons plus ce voile obséquieux des bienfaits de la révolution sexuelle ! Ouvrons les yeux et regardons ensemble les terribles conséquences d'un tel mouvement de société. Nombreux, à l'heure actuelle, sont les jeunes issus d'une séparation ou d'un divorce. La consommation du plaisir, et nous l'avons déjà démontré, est incompatible avec une vie stable, propre et bien rangée. Les chiffres ont été largement usités quant à cela. Ainsi, n'ayant plus de repère bicéphal (un père et une mère), l'enfant se raccroche le plus souvent au seul parent qui lui reste (en général la maman). Le parent, imbécile la plupart du temps, croit qu'il faut compenser cette perte en doublant l'affection auprès de l'enfant, lui-même ayant grandi dans une structure familiale à deux pendants. Je ne parle même pas de l'influence néfaste de Dolto sur l'éducation et sur les dérives de l'enfant roi, vous aurez compris seul que cela est intrinsèquement lié. Le coup de grâce, qui va pousser notre chérubin dans les voies de l'incapacité à se masturber, c'est le dessin animé parfaitement aseptisé de Disney.
Je suis sûr que mademoiselle P. en est une inconditionnelle patentée. Walt a plongé la génération des trentenaires dans un monde où l'être aimé est la caricature immorale de l'enfant Jésus. Absence de sexe mais naissance quand même. Comment voulez-vous qu'un être puisse évoluer correctement avec l'inter-agissement de ces deux faits socio-éducatifs. Je ne peux éprouver du plaisir car les deux seuls modèles de comparaison dont je dispose sont l'amour écrasant et asexué d'un de mes parents ainsi que l'absence totale de plaisir charnel dans un monde où les animaux parlent pour ne rien dire (si encore ils étaient intelligents) et où les princes sont charmants. Mademoiselle P. est culturellement dans un schéma faussé de construction du moi. Je dirais même qu'il n'en existe aucune. On placarde sans fondement un bonheur parfait, sans faille, sans défaut d'aucune sorte, sur le front de notre chair. Si bien que la naissance d'un être ne peut se concevoir autrement que comme la concrétisation absolue de sa vie.
Mais que va-t-elle faire à cinquante ans ? Que va-t-elle faire lorsqu'elle se rendra compte qu'elle ne peut avoir la mainmise sur sa progéniture ? Dur sera le réveil... Je serais rassuré si le monde n'était pas peuplé de naïfs bêtas qui croient que la vie est un long fleuve tranquille et qui disposent à l’arrière, dans le jardin de leurs maisonnettes hansel-et-greteliennes, d'un trou où ils enfouissent sans arrêt leurs hontes, leurs faiblesses, en bref leur humanité. Je suis non pas scandalisé comme à mon habitude mais triste de me rendre compte que la société des hommes se dirige vers un gouffre sans fin d'égoïsme (et j’irai même jusqu’à parler d'égocentrisme). Mon cher Walt, je te méprise et je te condamne. Je suppose que de ton rocher putride tu ne peux imaginer le mal que tu as engendré. Le pire est à venir, car nous tentons par tous les diables à protéger nos enfants de la violence par des programme pédagogiques infantilisants et méprisants qui ne font que redoubler la puissance de celle-ci. Ne nous étonnons plus, qu'à l'heure actuelle où les gens descendent dans la rue, de renvoyer, tels des panurgéens, la faute sur un tiers et non sur soi.

Cordialement,
K. Bouachiche.

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