samedi 10 janvier 2009

Fuite et fin.


Mon cher Deveureux,

Je ne vous souhaiterai pas une excellente année, nous sommes, vous et moi, conscients du mal être de la société occidentale qui pervertit de manière significative les groupes de civilisation aux traditions plus « archaïques ». Je reviendrai sur cette notion un peu plus tard.
Je suis amplement d'accord avec vous sur ce côté irréversible de la vie. Comme si, finalement, elle n'avait qu'un seul sens, la mort. On est bien bête de succomber à une croyance conservatrice du vivant ; je pense que nos choix ne sont jamais définitifs et nos souvenirs ne sont jamais révolus. Les récits oraux des patriarches familiaux tel que vous en parliez dans un courrier précédent en sont la plus belle des preuves. On a tous remarqué, lors de réunions de famille houleuses, que le récit des anciens évolue au fur à mesure des générations nouvelles qui se joignent à la tablée. La mémoire humaine a cette faculté, comme le bon vin d'ailleurs, de se bonifier avec le temps qui passe, si bien que les faits historiques se retrouvent altérés et interprétés. Les amnésiques ne sont-ils pas les personnes les plus chanceuses au monde ? Avoir la chance de se réinventer totalement, n'est-ce pas un cadeau des dieux?
Je fais un parallèle avec les musées et les antiquités qui y séjournent. La Joconde n'est finalement plus une toile peinte par De Vinci mais une oeuvre collective d'artistes ratés qui, par désespoir de cause, se sont orientés dans la restauration d’oeuvres d'art. Ne serait-il pas plus intelligent de recréer une oeuvre nouvelle sous l'impulsion de l'artiste ? Encore un « pathétique » de plus qui s'ajoute sur la longue liste de mes indignations.
Nous sommes donc condamnés à évoluer dans un seul sens et ce sans retour possible. Eh bien je conteste, je revendique et je proteste, puis en un seul geste je retourne ma veste. Rien n'est gravé dans le marbre funéraire. La souffrance tout comme la douleur peuvent être des facteurs décisifs sur l’orientation de notre chemin. Il est vrai que nous évoluons mais les décisions prises peuvent être révocables, des retours en arrière sont possibles. Ces « gens » qui gardent des objets souverainistes, tel un in memoriam inébranlable de leur vie sans consistance, traînent le poids du regret et de l'amertume puisqu'ils pensent que tout est définitif. L'immuable, voilà une notion terrifiante érigée par des nations croupissantes, refusant d'ouvrir les yeux sur des états de fait. Attention, cher collègue, je ne renie pas le concept de passé, au contraire celui-ci ne peut que nous aider, toutefois je condamne seulement cette fuite en avant, cette course effrénée du progrès motivée par une peur incommensurable de la mort et de la fin éternelle. Évidemment je répondrai à mes détracteurs que la peur de la mort n'est pas la seule cause de cette fuite. Je prends l'exemple des personnes sans domicile fixe : ces individus ne fuient pas à cause de la grande faucheuse. Au contraire, ils tentent d'appesantir leurs lots de souffrance en niant leur existence au monde, en vivant dans les interstices de notre société. Si je n'existe plus, les peines que la société m'envoie en pleine figure ne sont plus. Je fuis ce monde des apparences, j'annihile mon identité sociétaire qui me fait tant mal. Ce phénomène est de plus en plus présent chez les jeunes générations, le fardeau de l'être devient trop lourd à porter dans cette société si écrasante de morale. Et ce phénomène sociologique existe sur la planète entière... Il est bien sûr passionnant de se pencher sur ce problème. Que faire ? Quelles solutions possibles face à ce non-être ? Eh bien je n'en ai pas....

Culturellement,

K.B

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