samedi 21 mars 2009

Big Mac universitaire.


Mon cher K,

Je vous retrouve bien là, dans votre positionnement de philosophe menant une véritable croisade contre les chemins pernicieux de la religion. Votre proposition de rangement de la croyance en Dieu dans le placard poussiéreux de l'Histoire me laisse sans voix. Je suis toujours empli d'admiration lorsque je vous lis et vos courriers sont toujours aussi merveilleux. Je voulais vous témoigner toute mon affection en préambule de ce courrier car l'affection est futile et qu'il faut s'en débarrasser au plus vite. Futile car elle n'est que la preuve d'un amateurisme de la sociologie. L'humanisation des faits de société rend le travail du sociologue trouble et biaisé. Je vous l'accorde, la compassion est nécessaire mais pas dans ce métier. Nous sommes les regards du monde, nous transcrivons les rouages de la société, tandis que vous, philosophes, vous dénoncez les abîmes de la pensée, vous déjouez les facultés primaires du raisonnement pour donner de l'ampleur à votre réflexion du monde.

Mon cher ami K, je parle d'amitié car récemment j'ai eu l'honneur de retrouver un collègue assujetti et perverti par la peste universitaire. Vous savez, cette maladie contagieuse qui pousse les étudiants à pré-recracher leurs travaux dénués de sens. Bref ce camarade me recontacte pour évoquer de bons souvenirs (les mémoires sont toujours meilleures avec vingt années de recul) et me proposer une entrevue au prétexte du bon vieux temps. J'avoue avoir hésité l'espace d'une seconde quant à la possibilité de revoir cette tête blême et figée par des siècles de préceptes éducatifs prêts à l'emploi. Cet homme représente à mes yeux le McDonald de la science universitaire avec des menus, pardon U.V, pas chères, faciles à emporter, et prêtes à être mangées mais qui vous donnent toujours de fortes diarrhées peu de temps après les avoir consommées.
Les étudiants en sont conscients et pourtant ils se retrouvent dans cette surenchère de la consomazione. On les rend dépendants. Autant les chaînes de télévision privées se doivent de rendre les cerveaux disponibles pour un Coca-Cola, autant les universités doivent rendre l'estomac de ses étudiants digestif pour un savoir sans saveur. L'estomac est donc disponible. Mais vous me direz, cher ami, que le système est conçu pour promouvoir cette flexibilité digestive. On a la mission de perpétrer les mêmes meurtres de la connaissance en occultant la possibilité d'un savoir différent. Ce collègue et moi-même avons eu quelques contentieux et pas des moindres. Nos conceptions de l'enseignement divergent, mais par solidarité universitaire, nous sommes contraints de collaborer pour un essor des sciences humaines. Alors je m'interroge : la médiocrité peut-elle être un gage d'essor ? Doit-on gaver les étudiants comme on fait du foie gras ? Doit-on se résoudre à faire de l'université un fast-food de la connaissance ? Eh bien moi, quitte à paraître comme conservateur et vieux jeu, je m'y refuse. L'université est l'antre du développement des cultures. On plante des graines, on place le tout dans une serre, et on attend. La patience est mère de toutes les vertus. L'engrais n'est pas nécessaire, la terre doit être travaillée régulièrement ; on se doit d'utiliser le sécateur quand les branches se dirigent vers la mauvaise direction, et on récoltera ainsi de beaux fruits mûrs, goûteux et savoureux, sans l'ombre d'un aspect superficiel. L'université se doit comme objectif principal d’adopter la culture biologique...

Cordialement,

K.B

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