mardi 23 décembre 2008

Descendance et décadence.


Mon très cher K,

La progéniture, quelle ouverture incroyable à notre débat sur les relations de couple ! Il est vrai que j'avais occulté cet aspect, mais pour ma clémence, je ne peux être défini comme reproducteur. Hélas, « la nature est parfois ingrate » comme le disait si bien mon ami, Iddo Jacobi, un brillant politicien méconnu de tous qui mériterait aujourd'hui certains honneurs. Mais je divague et me laisse aller à la nostalgie. La descendance, voilà un thème qui relance parfaitement notre discussion quant au bonheur propre à l'homme. Être parent est une douce illusion du devoir accompli. Je peux enfin mourir puisque mon patrimoine génétique est sauf. Cela est parfaitement sublime : l'objectif numéro un du droit au bonheur est de se lever toutes les heures pour réamorcer la pompe à braillements. Ce petit corps qui se résume à ingurgiter des quantités astronomiques de lait et à en déverser tout autant dans sa couche semble faire foi en matière de bonheur comparé. Et on se surprend à entendre des conversations mielleuses sur la première varicelle de Junior. Proprement écoeurant. La famille est pour moi l'antithèse de la joie. On porte cette croix toute sa vie, nos ancêtres parlent à notre place, et nous restons bloqués dans un carcan d'éducation doltoïenne qui provoque plus de dégâts qu'il n'en répare. L'enfant transforme le couple en cellule disgracieuse qui se suffit à elle-même. On est pris au piège par ce microcosme car on le veut parfait, on se sacrifie, on agit pour son bien, on tente de le modeler aux normes sociétales, mais lorsqu'on perce cette bulle avec une aiguille et qu'on la laisse s'éclater, alors on découvre que ce micro monde est le théâtre des plus grandes perversions humaines. Et on ose me parler de bonheur familial ! Laissez-moi pouffer de rire, autant s'en remettre au bonheur idéologique d'une secte quelconque ! Je suis consterné. La famille, pour l'avoir vu dans mes nombreuses recherches, est souvent le seul territoire où le sentiment de parfaite communion avec soi et son environnement ne peut exister. Et je ne parle pas seulement des civilisations occidentales ; l'appartenance à un groupe est bien sûr nécessaire quant à la survie de notre espèce, mais s'en remettre entièrement à cela est nuisible à la diversité des cultures et, en bout de chaîne, à celui de l'épanouissement individuel. Pour moi le bonheur réside dans notre capacité à s'accomplir individuellement au profit d'un groupe et même de plusieurs groupes. Le groupe évolue et fait évoluer l'individu : intrinsèquement l'individualité de l'être peut enfin s'exprimer et permet également de faire avancer ce groupe. Elle est là, la prodigieuse alchimie du bonheur...

Cordialement,

K.B

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