mardi 9 décembre 2008

Sexualité équitable.


Cher ami,

Tout d'abord je tiens à vous adresser mes sincères salutations quant à votre prise d'âge supplémentaire.

Votre dernier courrier m'a surpris par cette explication combinant biologie humaine et philosophie. Je dois dire que, lors de mon dernier rapport sexuel, je n'ai pu m'empêcher de réfléchir à vos propos tout en contemplant de manière béate le corps de mon amant. Il est vrai que notre sexualité n'est pas simplement fondée sur un fonctionnement physiologique. Il ne faut pas occulter le pouvoir de l'esprit et du fantasme qui nourrit notre libido et notre « pseudo-plaisir ».
Il me semble, au vu de mes nombreuses recherches sur le comportement humain, que notre plaisir est basé sur un parfait équilibre entre notre corps et notre esprit. Il est évident que les jeunes générations tentent irrémédiablement de calquer leurs plaisirs sur l'imagerie fantasmagorique et codifiée des films pornographiques. On cherche à reproduire ce désir illimité, accessible à tous, tout le temps. On inventerait alors la « sexbox » avec porno en illimité, prostituées gratuites et sexe protégé. Il faut donc être disponible. Nous noterons qu'il s'agit bien là, dans ce cas de figure que j'appelle la dismorpho-phobie sexuelle, d'une tentative désespérée de confondre nos fantasmes avec une réalité de terrain. La psyché humaine, car je reste persuadé qu'il en existe d'autres, ou du moins une mémoire affective, animale et végétale (je reste mobilisé sur cette recherche), subit une ablation de la mouvance corporelle, et nous pourrions ainsi, aisément, adapter cette maxime idiote de notre ami D. : « je baise, donc je suis. » Et il est bien là, le noeud du problème ; on cherche de manière égocentrée notre plaisir, comme si finalement faire l'amour se résumait à une masturbation à deux. Dans de nombreux cas cliniques, que j'observe depuis pas mal de temps maintenant, on remarque que, bien souvent, le sujet ne connaît même pas son propre plaisir sexuel. Néanmoins, dans des tentatives inavouées, il essaye d'appliquer à son partenaire un schéma véhiculé par une société sexuée en perte de repères. Le cas le plus flagrant fut celui de deux jeunes filles, jumelles de surcroît, qui poussaient leurs petits copains à aller chercher des préservatifs à l'infirmerie de leur collège. Ce cas m'a beaucoup intéressé et m'a permis de conclure à l'aboutissement d'une pratique violente où le partenaire doit être disponible et volontaire comme une sorte de « poupée qui dit oui ». Il est nécessaire d'élargir notre réflexion par des rapports de criminologie qui expliquent parfaitement la corrélation entre la montée de la délinquance et l'individualité exacerbée à laquelle notre société nous pousse. Je suis perplexe quant aux méthodes utilisées pour pallier à ce problème.
A mon sens, la sexologie est un dérivatif absolument abscons et stérile. En effet, comme vous le préconisiez dans votre précédent article, la spontanéité et la découverte de l'autre restent les seules constructions viables pour une identité sexuelle saine. Le corps aura donc appris son propre plaisir et il sera ainsi ouvert au plaisir du partenaire pour former ensuite une alchimie des plus exquises. Néanmoins, une sexualité psychotique existe, dès lors que l'on ne se masturbe pas et qu'on ne connaît pas son point P (Point plaisir). On tombe alors dans des dérives fantasmagoriques et approximatives qui plongent le patient dans un mutisme socio-érotique. Cela le contraint à avoir des penchants zoophiles, pédophiles, sado-masochistes ou autres. Dans un discours niais et romantique, les deux vont de pair. Je dirais qu'il faut laisser éclore sa fleur érotique afin d'ouvrir son plaisir aux autres et c'est seulement à ce moment unique que l'on peut envisager une relation basée sur la transcendance des sentiments. On ne baise pas, on se masturbe côte à côte, en formant une chaîne humaine de plaisir autocentré. Bien sûr que je vois là un paradoxe du plaisir. D'un côté on reste bloqué sur ce que l'on croit être notre plaisir et, de l'autre, on ne cherche pas à le connaître ni même à l'apprivoiser afin de s'ouvrir à ses partenaires. On partouze ensemble mais chacun dans le recoin de son intellect. Cela crée immanquablement une génération de frustrés qui prend son plaisir par écran interposé.
Et là je ne peux que m'insurger ! Moi qui ai connu les années 70, je prône haut et fort les valeurs non pas d'une économie solidaire mais d'une sexualité équitable. Je vous laisse sur ces propos.

A bientôt

K.B

Aucun commentaire: